D'abord, parlons Oscars. Après tout, le 26 février, c'est demain à peine... Pour ceux qui ont déjà eu le bonheur de voir Monsieur Lazhar à Locarno ou à Toronto, le choix du comité canadien pour la candidature nationale dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère relevait presque de l'évidence.

Le quatrième long métrage de Philippe Falardeau, qui sera lancé chez nous au Festival du nouveau cinéma le 23 octobre, possède en effet tous les atouts pour séduire les membres de l'Académie. D'une part, il y a la qualité indéniable du film, sans contredit le meilleur de l'auteur cinéaste québécois. Les thèmes abordés dans ce récit inspiré de la pièce d'Evelyne de la Chenelière - l'enfance, l'éducation, l'immigration, les nouveaux rapports entre les enfants et les adultes - risquent aussi de toucher les auditoires partout sur la planète. L'approche sensible qu'emprunte Falardeau, dans laquelle ne figure aucune trace de sentimentalisme surfait, rend son film d'autant plus émouvant.

Nous sommes évidemment encore bien loin de la coupe aux lèvres. Plusieurs étapes restent encore à franchir avant d'atteindre la ronde finale. Mais en fixant son choix sur Monsieur Lazhar, le comité canadien a assurément misé sur le meilleur poulain.

Une chose est certaine: l'annonce de la candidature nationale a été faite dans un contexte des plus harmonieux. Ce n'est pas le cas dans tous les pays. En Russie, des cinéastes sont en train de déchirer leur chemise parce que la commission du cinéma russe envoie dans la course aux Oscars le plus récent film de Nikita Mikhalkov, La citadelle. Ce troisième volet de la saga Soleil trompeur, apparemment aussi mauvais que le second (présenté au Festival de Cannes l'an dernier), a en effet été préféré à Faust d'Alexandre Sokourov, récent lauréat du Lion d'or à la Mostra de Venise, et à Elena d'Andrey Zvyagintsev, prix spécial de la section Un certain regard à Cannes. D'aucuns attribuent cette sélection à la position qu'occupe Mikhalkov au sein de l'Union des cinéastes russes. L'autoritarisme du cinéaste, sans oublier ses accointances avec le pouvoir, auront fait pencher la balance de son côté. Non seulement le président de la commission est-il pourtant en désaccord avec cette décision, mais le propre frère de Mikhalkov, le cinéaste Andreï Konchalovsky, a désavoué publiquement ce choix. Beau party en perspective dans la datcha familiale à Noël.

Le pouvoir semble en tout cas avoir le bras long en matière de culture dans la patrie d'Eisenstein, car au lendemain de son sacre à Venise, Alexandre Sokourov, l'un des grands maîtres vivants du cinéma, a déclaré que son film Faust existait grâce à Vladimir Poutine. Celui-là même qui tue des ours noirs avec ses mains et dépèce ses proies avec ses dents (préférablement torse nu), a fait débloquer 8 millions d'euros afin de permettre à l'auteur cinéaste de compléter son film. Féru de culture allemande (il parle la langue de Goethe couramment), l'ancien président, aujourd'hui chef du gouvernement, est ainsi intervenu directement sur le plan financier afin que Faust, tourné en langue allemande, demeure un film entièrement russe.

Mais nous pouvons être rassurés. Une telle ingérence est impossible au Canada. Et de toute façon, Stephen Harper n'offrira jamais son aide à un cinéaste.

Le très bon coup de Cinémania

On avait beau chercher le titre dans les programmations des plus grands festivals de cinéma d'Amérique, on ne trouvait jamais Polisse, l'excellent film de Maïwenn, gros coup de coeur du Festival de Cannes. À Telluride comme à Toronto, le long métrage français brillait par son absence. Polisse n'est pas programmé au prochain Festival de New York non plus. La nouvelle est finalement tombée de façon inopinée, au moment même où toute la classe journalistique attendait fébrilement l'annonce de Téléfilm Canada à propos de la candidature canadienne aux Oscars.

La première nord-américaine de Polisse aura lieu à Montréal le 3 novembre, alors que s'ouvrira le 17e festival Cinémania. Très beau coup pour la directrice Maidy Teitelbaum et les nouveaux membres de son équipe, Natalie Bélanger et Guilhem Caillard.

Décrivant la vie quotidienne des policiers de la Brigade de protection des Mineurs, Polisse dresse un portrait réaliste, dénué de toute complaisance, et partage en cela une parenté certaine avec la série québécoise 19-2. Personne n'aurait pu prévoir que la réalisatrice du Bal des actrices allait accoucher d'un film aussi accompli si tôt dans sa carrière de cinéaste. Ce sont pour des oeuvres comme celles-là qu'on aime le cinéma.

D'autres arrestations en Iran

Le cinéaste iranien Mojtaba Mirtahmasb, coréalisateur avec Jafar Panahi de Ceci n'est pas un film (projeté récemment au Cinéma du Parc) a été arrêté à Téhéran en compagnie de six autres collègues. Selon un article du Monde, ces cinéastes, accusés d'être des «espions au service de la BBC», feraient face à un nouveau tribunal pour les artistes, intitulé «Justice des médias et des arts». Un seul mot: lâche.