Le procès de Jian Ghomeshi comporte de multiples enseignements qu'il serait utile de se rappeler si l'on veut que la justice triomphe de l'idéologie de la victimisation et que les personnes accusées d'agression sexuelle aient droit à la présomption d'innocence et à une défense pleine et entière.

Dans la cour de l'opinion publique, enflammée comme jamais par les réseaux sociaux, Jian Ghomeshi a été présumé coupable. Son employeur, la CBC, l'a répudié à grand renfort de condamnations scandalisées, alors que s'il avait été accusé d'un crime de nature non sexuelle, on l'aurait probablement placé en congé sans solde en attendant que les tribunaux se prononcent.

Or, si l'homme a des pratiques sexuelles déviantes (ce qui, dans notre pays, est acceptable entre adultes consentants), il ne méritait pas plus que tout autre accusé d'être lynché avant d'avoir été jugé.

L'autre enseignement de ce procès qui a tourné en eau de boudin parce que les trois plaignantes ont érodé leur propre crédibilité, c'est qu'il faudrait en finir avec cette théorie très répandue qui veut que les victimes d'agression sexuelle doivent toujours être crues sur parole. Comme si les femmes étaient par définition des parangons de vertu, comme si certaines d'entre elles ne pouvaient pas être, tout comme certains hommes, menteuses, manipulatrices, revanchardes ou assoiffées de publicité.

C'est bien le pire genre de paternalisme que de considérer les femmes comme des créatures si fragiles et irresponsables qu'on ne devrait jamais les soupçonner d'arrières-pensées ou de visées peu honorables. C'est, encore et toujours, traiter les femmes comme des mineures.

Le pire, c'est que les trois femmes qui ont comparu au procès Ghomeshi étaient les « meilleurs » témoins, les seules plaignantes (sur un total de six) que la police avait jugées crédibles !

Or, après les agressions présumées, ces trois femmes ont toutes fait des pieds et des mains pour revoir Ghomeshi, l'une lui envoyant une photo d'elle en bikini rouge, l'autre l'amenant chez elle pour le masturber, l'autre lui écrivant une lettre d'amour de six pages qui se terminait par « J'aime tes mains » (les mains qui avaient voulu l'étouffer ?), ou encore : « Hier, tu m'as pas mal secouée, ça me donne envie de te baiser à mort. Ce soir. »

En fait, ce ne sont pas ces faits stupéfiants qui ont saboté leurs témoignages. C'est qu'elles avaient toutes menti sous serment en s'abstenant jusqu'à la dernière minute de révéler ce qui s'était passé après les présumées agressions.

D'où la question : comment se fait-il que les policiers chargés de monter la preuve n'aient pas décelé ces failles alors qu'il existait des tas de preuves écrites ? Eux aussi, peut-être tétanisés par la peur d'être accusés de sexisme, ont materné les plaignantes en s'abstenant de les interroger de près et de faire leur travail d'enquête. L'une des plaignantes n'a été interrogée que pendant 35 minutes !

Ces dernières avaient toutes leur propre avocat (deux d'entre elles avaient aussi embauché un relationniste). Comment se fait-il que ces avocats ne se soient pas assurés avant le procès qu'elles ne risquaient pas de se faire contredire par la défense ?

Une autre réaction symptomatique : comme pour se venger de leur déception devant la tournure du procès, nombre de gens, y compris des journalistes, s'en sont pris à l'avocate de la défense, qualifiée d'agressive, redoutable, impitoyable... La méchante Marie Henein « victimisait » une fois de plus les victimes !

En fait, Me Henein n'a fait que brillamment défendre son client en utilisant les nombreux trous que contenait la preuve. C'était son rôle ! Fallait-il qu'elle aussi dorlote les témoins, alors que son client encourt une peine maximale de prison à vie pour l'un des chefs d'accusation ?

Le plus triste, dans cette affaire, c'est que les victimes d'agression se feront dire, désormais, qu'elles n'obtiendront jamais justice devant les tribunaux. C'est faux. Elles obtiendront justice si elles fournissent tous les éléments nécessaires à la production d'une preuve qui se tient.