Ce qui se passe actuellement sur la question des universités montre que l'égalitarisme primaire et son frère jumeau, l'anti-intellectualisme - les deux fléaux qui ont tant retardé le développement du Québec - ont encore la vie dure.

Subsiste toujours, dirait-on, cet obscur désir de voir tout le monde ramené sur le même pied, comme ces rangs dans les campagnes anciennes où toutes les habitations étaient à la même hauteur, et leurs habitants, soumis au même labeur et aux mêmes gratifications.

L'égalitarisme s'enseigne tôt chez nous, l'école refusant d'évaluer les élèves pour leur éviter le choc d'apprendre qu'il y a, dans la classe, de meilleurs qu'eux. Pourtant, l'émulation n'est-elle pas une valeur à encourager?

Trop de Québécois, incluant bien des commentateurs, s'amusent à dénigrer ce qu'ils ne comprennent pas. La fonction diplomatique? Une activité frivole qui consiste à courir les coquetels, un verre de mousseux (gratuit) à la main! C'est ce que m'écrivait cette semaine un lecteur qui considère que le Québec peut bien envoyer n'importe qui à New York, ça n'a pas d'importance puisque la diplomatie, c'est de la frime.

Les préjugés sont encore plus vicieux quand il s'agit des universités, en particulier la recherche universitaire, une activité opaque, mystérieuse, par définition élitiste, et dont les bénéfices ne sont pas tangibles à court terme.

Le Parti québécois de Pauline Marois, pourtant héritier d'un parti fondé par des intellectuels, s'est allié aux carrés rouges bien plus profondément qu'on ne le croit: non content de les suivre servilement le printemps dernier, il en a adopté l'idéologie infantile et bornée: selon les leaders étudiants, les universités consacreraient trop d'argent à la recherche et pas assez à l'enseignement (la seule chose

qui les intéresse puisqu'il s'agit d'un service directement destiné à leurs précieuses petites personnes); les administrateurs jetteraient systématiquement l'argent par les fenêtres; des économies fantastiques pourraient être réalisées si on leur serrait la vis, etc.

De tout temps, les démagogues et la presse populiste ont tapé sur les universités. C'est facile et rentable, car les universités, surtout les grandes institutions de recherche comme McGill et l'Université de Montréal, sont par définition des institutions élitistes.

Le Journal de Montréal en fait son fonds de commerce en étalant régulièrement en gros caractères noirs les salaires et allocations des administrateurs des universités. (Au fait, sait-on que nombre de directeurs d'organismes de bienfaisance subventionnés, qui gèrent de tout petits budgets et un personnel minuscule comparativement aux ensembles énormes et complexes que sont les grandes universités, ne crient pas famine non plus? Que leurs salaires, pour diriger quelques dizaines d'employés, peuvent aller de 200 000$ à plus de 350 000$?)

Jusqu'à présent, aucun gouvernement n'avait eu l'irresponsabilité d'endosser les préjugés primaires contre les universités. Hélas, dans une décision qui apparaît maintenant aussi catastrophique que l'octroi d'un ministère à Daniel Breton, Mme Marois a lâché sur les universités un ministre dont l'ignorance se conjugue à l'arrogance.

Après avoir nié avec une inqualifiable légèreté la réalité pourtant incontestable du sous-financement des universités, Pierre Duchesne vient de leur imposer à brûle-pourpoint des compressions de 140 millions... à quatre mois de la fin de l'année financière! Un impensable carcan rétroactif qui équivaut à une déclaration de guerre.

Si Mme Marois veut préserver son sommet de l'échec, elle devrait confier le dossier à un député sérieux. Ce ne serait qu'un recul de plus!

Quant aux leaders étudiants, qui prétendaient au printemps se battre pour la qualité de l'enseignement, ils n'ont pas eu une pensée pour les conséquences de ces coupures à la tronçonneuse sur la qualité de nos universités. Martine Desjardins et Jeanne Reynolds n'ont eu qu'un réflexe: la crainte qu'on coupe dans les services aux étudiants! Corporatiste un jour, corporatiste toujours...