Deux clins d'oeil suivant une longue période d'indifférence glaciale, c'est ainsi que l'on pourrait qualifier l'attitude de la première ministre Marois à l'endroit des Anglo-Québécois.

Les quelques mots qu'elle a prononcés en anglais, lors de son discours de victoire, étaient les premiers en un mois. Durant toute la campagne électorale, Mme Marois ne s'est jamais adressée d'elle-même aux anglophones, se contentant de répondre à l'occasion aux questions des reporters anglophones qui suivaient sa campagne.

Elle a en outre refusé de rencontrer l'équipe éditoriale de la Gazette, même si on lui avait dit que l'entrevue se déroulerait en français (les journalistes politiques de la Gazette sont tous parfaitement bilingues). C'était pourtant un arrêt obligé dans la campagne électorale: tous ses prédécesseurs, de René Lévesque à Bernard Landry, s'y sont toujours prêtés de bonne grâce.

Il ne s'agissait pas d'aller chercher le vote des anglophones (une cause perdue). Mais la courtoisie élémentaire exigeait que le leader péquiste manifeste assez de respect envers ses compatriotes pour s'adresser à eux directement dans le seul quotidien de langue anglaise.

L'insensibilité de Mme Marois envers la minorité anglaise découle peut-être en partie du fait qu'elle est le premier leader péquiste à ne pas parler couramment anglais, contrairement à ses prédécesseurs qui le parlaient tous très bien, et certains à la perfection (Lévesque, Johnson et Parizeau). C'est une déficience qui s'explique mal chez une personne instruite et ambitieuse, et qui ne facilitera pas ses rapports avec ses homologues des autres provinces et les gouverneurs des états américains limitrophes.

Comme pour suivre l'exemple de sa patronne, Diane De Courcy, la nouvelle ministre de l'Immigration, des communautés culturelles et de la Charte de la langue, a elle aussi refusé d'accorder une brève entrevue à une radio anglaise le soir de sa prestation de serment. Si la responsable du dossier linguistique ne veut pas ou ne peut pas s'exprimer en anglais, c'est bien le comble!

Quoi qu'il en soit, les récents clins d'oeil à une minorité jusqu'ici superbement ignorée n'ont rien de bien convaincant.

«Nous respecterons vos droits», a dit Mme Marois le 4 septembre, pour ajouter, lors de la prestation de serment, que «les anglophones sont une richesse et des membres à part entière de la nation québécoise».

Disons qu'il faudra bien des explications pour démontrer aux anglos que le PQ apprécie leur apport culturel et protège scrupuleusement leurs droits, alors que le programme du parti prévoit de nouvelles tracasseries pour les petits salariés anglophones, la désagrégation des cégeps anglais (lesquels ne survivraient pas sans la clientèle allophone) et l'interdiction aux nouveaux résidants (incluant les citoyens canadiens venant d'autres provinces) de briguer un poste électif, serait dans une commission scolaire de l'Ouest-de-l'Île ou dans une micro-municipalité des Cantons-de-l'Est, sans subir au préalable un test de français.

Il fallait d'autant plus établir des liens avec les minorités que le PQ, sous la direction de Mme Marois, joue plus que jamais la carte identitaire.

Les anciens chefs du PQ - MM. Lévesque, Johnson, Boisclair - en jouaient très prudemment. Même MM. Parizeau et Landry, plus impulsifs, ne sont jamais allés aussi loin que le PQ actuel. Malgré la pression de leurs militants, ils n'ont jamais voulu interdire l'accès au cégep anglais aux francophones et aux allophones, jamais voulu étendre la loi 101 aux petites entreprises, et ils n'auraient jamais pensé à imposer aux minorités religieuses et aux immigrants les contraintes que prévoit le programme du PQ.

Aussi est-il incroyable que Mme Marois ait «sous-contracté» le dossier des «Anglais» à Jean-François Lisée, le concepteur même de sa politique identitaire. Nous y reviendrons la semaine prochaine.