Une fois le choc absorbé, il faut bien se rendre à l'évidence. L'impact économique désastreux que beaucoup appréhendent à la suite de l'élection de Donald Trump doit être relativisé parce que le prochain président républicain n'ira jamais de l'avant avec une quantité importante de promesses qu'il a semées à tout vent durant la campagne électorale.

C'est tout de même ironique. Celui qui a longtemps été la vedette de la série de téléréalité The Apprentice fera ses premiers pas d'apprenti président des États-Unis, en janvier prochain.

Malheureusement, on ne doit pas s'attendre à ce que Donald Trump se congédie lui-même comme il prenait un plaisir sadique à le faire avec les concurrents de son émission qu'il jugeait incompétents.

Reste que le politicien néophyte qui occupera les plus hautes fonctions de la première puissance mondiale -  sans jamais avoir préalablement occupé un poste électif de sa vie - n'aura jamais les coudées franches qu'il a eues durant la dernière année, où il a fait campagne en promettant n'importe quoi et son contraire.

Au cours des deux prochains mois, l'imprévisible candidat à la présidence américaine aura le temps de mieux conceptualiser le nouveau rôle qu'il va jouer et de comprendre les limites de son pouvoir et de sa capacité d'agir.

En d'autres termes, Donald Trump devra délaisser la rhétorique électorale dont il a largement abusé durant la dernière année pour maintenant adapter son discours et ses actions à la vraie réalité économique et à toutes les contingences que cette réalité implique.

Bien sûr, le nouveau président Trump pourra proposer de faire adopter les réformes qui lui tiennent à coeur et qui ont été au centre de sa plateforme électorale, comme la réduction du taux d'imposition des entreprises américaines.

Mais il devra obtenir l'assentiment du Congrès pour qu'une telle proposition se transforme en texte de loi. Et c'est ici que les limites du pouvoir exécutif de Donald Trump vont devenir des remparts importants pour l'empêcher de réaliser ses promesses électorales les plus farfelues.

De toute évidence, c'est l'interprétation que les marchés boursiers ont privilégiée hier en réalisant des gains importants, alors que tous s'attendaient à vivre l'apocalypse. Donald Trump ne pourra pas faire le one-man-show qu'il a fait durant toute la campagne électorale.

François Trahan, stratège boursier et cofondateur de la firme de recherche indépendante Cornerstorne Macro, de New York, désigné stratège boursier numéro un de Wall Street par la revue Institutional Investors, partage entièrement cette lecture de la réalité.

« Le système américain est basé sur le principe du checks and balances qui limite l'influence de tout individu sur le gouvernement, y compris le président.

« Trump va pouvoir faire seulement ce que le Congrès va autoriser. Comme la majorité républicaine au Congrès le déteste, sa liste d'accomplissements va être courte », dit François Trahan, qui se dit surpris, mais nullement ébranlé par l'élection de Donald Trump.

UN PARTENAIRE INTOUCHABLE

Tout au long de la campagne électorale, Donald Trump a vilipendé l'Accord de libre-échange nord-américain en affirmant qu'il s'agissait du pire accord jamais signé par les États-Unis et qu'il allait répudier l'entente s'il était élu.

Fort peu porté sur les nuances, préférant les amalgames les plus simples et les plus utiles, le candidat Trump associe l'ALÉNA au mouvement de délocalisation industrielle qui frappe depuis 20 ans les États-Unis et la plupart des pays industrialisés.

Mais jamais le candidat Trump n'évoque les liens privilégiés qui unissent les États-Unis et le Canada et qui en font les deux plus importants partenaires commerciaux de la planète.

Depuis que les deux pays ont signé un premier accord de libre-échange en 1988, qui s'est élargi en entente tripartite avec l'arrivée du Mexique en 1992, les échanges commerciaux ont fait un bond de 800 %, pour passer de 235 à 880 milliards par année.

Chaque jour, le Canada et les États-Unis échangent quelque 2,5 milliards en biens et services. Le Canada n'a jamais délocalisé d'entreprises américaines, alors qu'au contraire, beaucoup d'entreprises canadiennes ont lancé des opérations sur le sol américain ou ont réalisé des acquisitions pour mieux y faire affaire. On n'a qu'à penser aux Bombardier, Héroux-Devtek, Canam, Groupe ADF, CGI, WSP Global, SNC-Lavalin, Couche-Tard...

Le Canada est le principal partenaire commercial de 35 États américains. Les gouverneurs de ces États savent combien il est important de maintenir de bonnes relations d'affaires avec ses meilleurs clients et fournisseurs et ils ne laisseront pas Donald Trump saccager cette relation pour sa seule satisfaction personnelle.