La place accordée à la couverture des affaires culturelles dans les journaux télévisés rapetisse comme un gros chandail de laine jeté dans la sécheuse. À moins que Céline Dion n'accouche d'un disque, d'un enfant ou des deux en même temps, il est rare que Pierre Bruneau, Patrice Roy, Sophie Thibault ou Céline Galipeau ouvrent leurs bulletins d'information avec une actualité culturelle.

Dans une salle de nouvelles, le travail des journalistes du module dit artistique passe très loin après les «vraies» nouvelles, les faits divers, les sports, la météo et même les numéros du loto. Pas étonnant que le reporter Claude Deschênes ait annoncé hier qu'il partirait à la retraite le 2 août, après 33 années à la SRC.

La lettre de départ du journaliste, qu'il a rendue publique hier sur Facebook, contenait deux passages témoignant d'une certaine insatisfaction en lien avec son travail dans la grande tour. «Depuis quelque temps, l'espace accordé à la culture a rétréci. Comme j'ai toujours vu la culture comme un rendez-vous quotidien, je me sens à l'étroit dans ce nouveau contexte. Ma passion n'a plus de place pour s'exprimer», a-t-il écrit.

Claude Deschênes note aussi que la scène culturelle est «un secteur que le milieu de l'information électronique ne prend pas aussi au sérieux que la politique, l'économie ou le sport». Triste, mais ô combien vrai.

C'est de Radio-Canada qu'il est question ici - et de ses «coups d'oeil» sur l'actualité culturelle -, mais ces propos collent tout autant à TVA, où les segments culturels se déclinent très souvent en courts clips de 30 secondes. Décidément, Marie-Andrée, il y a du beau monde pour la première du Cirque du Soleil au Centre Bell ce soir? Oui, Pierre. Et je vous fais maintenant entendre quelques réactions récoltées sur le tapis rouge. Après la pause, on se rend au lancement du nouveau disque de Boom Desjardins, qui est vraiment très bon!

Selon la firme Influence Communication, la culture sous toutes ses formes, qui a longtemps trôné dans le top 5, occupait le neuvième rang des sujets les plus traités par les médias (télévision, journaux, radio ou web) en 2012, se faisant même devancer par la cuisine. «La cuisine n'est plus un service, c'est devenu un divertissement», indique le président d'Influence Communication, Jean-François Dumas.

La situation des arts dits traditionnels (livre, danse, théâtre, peinture, photographie, poésie et sculpture) est encore pire. Sur une semaine, leur médiatisation équivaut à celle de 2,4 minutes d'un match du Canadien de Montréal, soit un peu plus que le temps d'une pénalité. Et 98% de la couverture de ces arts plus pointus provient des bons vieux journaux, les médias électroniques ayant plus ou moins abandonné cette strate.

Ce qui fonctionne très fort, côté culturel, ce sont les superproductions, les potins, le glamour, les vedettes et le paparazzi. Partout dans le monde, la culture prend une débarque et est sur le point de se faire dépasser par la couverture des nouvelles technologiques comme le lancement d'un nouveau téléphone intelligent ou d'un iPad mini, maxi ou giga.

En tant que chroniqueur télé, je couvre, bien sûr, les vedettes, les superproductions telles La voix ou Star Académie et je serais bien mal placé pour dénoncer cette tendance pipole, comme disent nos amis français. J'assume pleinement mon rôle grand public. Il reste que mon journal ratisse beaucoup plus large et fouine dans tous les secteurs, même les plus spécialisés. Ce qui n'est plus le cas des bulletins d'information à la télévision.

Même dans la programmation de la télévision générale, la culture en arrache. Radio-Canada semble avoir pelleté son mandat culturel dans la cour du 95,1 FM et d'ARTV, qui s'en acquittent très bien, soit dit en passant. Il n'y a plus de magazine culturel sur les ondes de la SRC depuis le retrait de Six dans la cité.

Pour revenir à Claude Deschênes, il songe à retourner à la radio, à écrire des livres ou à concevoir des projets de télévision, mais à l'extérieur du cadre de l'information. C'est un peu ce qu'a fait Alexandra Diaz en démissionnant de TVA au printemps 2011.

J'aimerais discourir davantage sur l'importance de cette culture avec un grand C, mais il y a Rihanna, Pink et Oprah Winfrey qui débarquent en ville dans les prochains jours. Après la pause, je vous présente donc un micro-trottoir avec 17 fans qui s'évanouissent et pleurent devant la caméra. Ça, c'est vendeur, non?