Imaginez si Céline Galipeau, devant un auditorium rempli d'étudiants, traitait Québec solidaire de parti de perdants ou si Pierre Bruneau qualifiait publiquement les conservateurs de Stephen Harper de bande de crétins. Garderaient-ils leurs prestigieux fauteuil de chef d'antenne?

Se feraient-ils crucifier par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)? Mettons que ça brasserait dans notre milieu médiatique tricoté serré.

Dans Salle de nouvelles, la version française de The Newsroom de HBO qui démarre demain à 22 h sur les ondes de Super Écran, c'est précisément ce qui arrive à William McAvoy (excellent Jeff Daniels), le présentateur-vedette de la chaîne fictive ACN, sorte de concurrent de CNN.

Invité à parler dans une université, ce bon vieux Will pète les plombs de façon magistrale, envoie promener les républicains, les démocrates et déclare même que, non, les États-Unis ne sont pas le plus grand et le meilleur pays du monde.

Will McAvoy, qui est devenu le Jay Leno des nouvelles au fil des ans, un journaliste sage sans saveur et sans odeur particulières, rentre ensuite au boulot après quelques semaines de congé forcé. La plupart de ses proches collaborateurs l'ont évidemment quitté après sa sortie publique flamboyante. Et Will, doté d'un sale caractère, se fait imposer de force une nouvelle productrice, la brillante MacKenzie McHale (Emily Mortimer), qui est aussi son ex-copine. Entre Will et MacKenzie, les tensions sont aussi palpables qu'à la frontière entre les deux Corées.

Contre toute attente, la sortie publique de Will l'a réveillé, voire ressuscité. Il devient plus engagé, plus revendicateur et ne tente plus de dissimuler ses opinions personnelles, comme le font tous ses collègues sérieux. Son émission News Night, une sorte de 24 heures en 60 minutes d'Anne-Marie Dussault, prend beaucoup de pic.

C'est ici que cette nouvelle série d'Aaron Sorkin (The West Wing, The Social Network) se gâche. Le nouveau Will McAvoy se métamorphose, comme ça, en chevalier vertueux des nouvelles intelligentes et rigoureuses, ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie, se plaît à nous rappeler le scénariste Aaron Sorkin au moins 46 fois. On aura vu des approches didactiques un peu plus subtiles, merci. Ajoutez ici toutes les références possibles à Don Quichotte, que les personnages se citent entre eux. Yeah, right, comme dirait l'autre.

Aux côtés de Will, l'idéaliste MacKenzie s'exprime comme une mauvaise chargée de cours en journalisme à l'UQAM, plaidant pour la réinstallation du quatrième pouvoir et pour une information de qualité, complètement indépendante des résultats d'écoute ou des guerres commerciales entre empires médiatiques.

Aaron Sorkin a une vision très romantique - et peu réaliste - du métier de journaliste. Pour cet auteur, une salle de rédaction a le pouvoir de faire le bien et, surtout, de faire mieux. Peut-être. Mais il y a des limites à regarder cette profession avec des lunettes roses.

Lorsqu'un scoop nucléaire bouillonne, vous verrez rarement des journalistes disserter sur l'importance d'éclairer les «futurs électeurs en cette ère d'information continue nourrie par les médias sociaux». Les reporters d'ACN ont beaucoup trop de temps pour pontifier, pas assez pour faire du journalisme, je trouve.

Salle de nouvelles est une émission moralisatrice et verbeuse. Comme dans tous les projets télé de Sorkin, la fameuse technique du «parle et marche», soit le fameux «walk and talk», devient rapidement agaçante quand on s'y attarde trop. Cette signature télé de Sorkin s'est hélas! transformée en béquille.

Il y a aussi du bon dans cette Salle de nouvelles. Notamment dans le traitement, en coulisse, des dossiers d'actualité. Ça devient hyper intéressant quand l'équipe de Will McAvoy s'active sur la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon de la société pétrolière BP, qui a explosé dans le golfe du Mexique en 2010. Ça gueule fort, les sources rappliquent, le chef d'antenne travaille sans filet et brasse à la caméra des porte-parole qui parlent comme de vieux magnétophones à cassettes. La fébrilité et l'agitation d'un soir mouvementé y ont été habilement transposées au petit écran.

Par contre, les personnages secondaires ont été esquissés à gros traits. Il y a la jeune stagiaire naïve mais douée, Maggie. Il y a le crack de l'informatique Neal qui est, bien sûr, d'origine indienne. Et il y a le grand patron qui porte un noeud papillon.

C'est dommage, car Salle de nouvelles aurait pu être une série formidable. Pour l'instant, ça contient trop de prêchi-prêcha du genre: «J'aime mieux faire un bon show pour 100 personnes qu'un mauvais pour 1 million de téléspectateurs.» Soupir.

Pour joindre notre chroniqueur: hdumas@lapresse.ca

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