J'ai une très bonne nouvelle à vous annoncer aujourd'hui. Une nouvelle qu'on n'avait pas vue depuis le boom techno de l'an 2000. Une nouvelle qui permet aux travailleurs d'espérer enfin une hausse de leur niveau de vie au cours des prochaines années si la tendance se maintient.

Avant de vous en parler, je dois faire une mise en contexte, question de vous en faire saisir l'importance.

Les employés du public et du privé, on s'entend, veulent tous avoir une hausse de salaire plus grande que l'inflation. Cette exigence légitime pose toutefois un gros problème économique. En effet, si les travailleurs obtiennent tous plus que l'inflation prévue, cette inflation augmentera davantage et l'exercice aura été inutile. Capiche?

Mais oui, pensez-y: le salaire est une composante très importante du prix des biens et services, et une hausse généralisée de la rémunération fera bondir l'inflation et effacera la hausse du niveau de vie espéré. On tourne en rond.

La seule façon d'augmenter vraiment le niveau de vie global, c'est-à-dire sans provoquer de l'inflation, c'est de devenir plus productif, soit de produire davantage avec les mêmes ressources. Pas de travailler plus, mais de travailler mieux, plus intelligemment, avec plus de technologies.

À ce chapitre, le Québec tire de l'arrière depuis très longtemps, pour toutes sortes de raisons. Le Canada est également à la traîne par rapport aux États-Unis.

Or, Statistique Canada a annoncé hier que la productivité des entreprises a augmenté de façon importante en 2014 au Québec. Cette hausse, de 2,5%, ne s'était pas vue depuis l'an 2000, à une période où la technologie avait fait faire des bonds de géant aux entreprises.

Traduit en augmentation de salaire, on peut penser que si la productivité maintenait un tel rythme à long terme, les travailleurs pourraient espérer une hausse de salaire annuelle de près de 2,5% PLUS l'inflation prévue de 1,8%, soit 4,3% au total. Imaginez le bonheur!

Pour l'instant, l'année 2014 est toutefois une exception. En comparaison, l'augmentation de productivité des entreprises du Québec avait été de seulement 0,5% en 2013 et 0,2% en 2012. La barre des 2% n'avait pas été franchie depuis 2005. Le précédent record, en l'an 2000, s'était soldé par un bond de 3,5%.

Le Québec n'est pas le seul à avoir bien fait. L'Ontario est à 2,4%, l'Alberta, à 2,6% et le Canada dans son ensemble, à 2,5%. Ces dernières années, les forts gains de productivité avaient essentiellement été réalisés dans l'Ouest, grâce aux investissements pétroliers.

L'économiste Jean-Pierre Maynard, de Statistique Canada, a une raison pour expliquer cette croissance de la productivité du Canada central. Habituellement, une hausse de la productivité suit une augmentation des investissements dans la machinerie et les équipements, dans l'amélioration des procédés ou dans une plus grande utilisation des technologies.

Or, cette fois-ci, la hausse de la productivité serait aussi attribuable... à une baisse du dollar canadien, explique M. Maynard. Selon le chef des mesures de productivité de l'agence, la baisse progressive du dollar depuis le début de 2013 aurait stimulé la demande américaine pour des produits canadiens. Dans bien des entreprises, cette demande aurait été comblée sans augmentation sensible du nombre d'employés, mais plutôt par une plus grande utilisation de la capacité des mêmes équipements.

De fait, la machinerie et l'équipement étaient utilisés à 83,5% à la fin de 2014 au Canada, un bond de 1,6 point par rapport à la fin de 2013. Pendant ce temps, le temps de travail des employés est resté à peu près stable.

En 2015 et 2016, on peut penser que la productivité du Québec et celle de l'Ontario continueront de bénéficier du recul du huard, mais il faudra que les entreprises investissent et fassent preuve d'ingéniosité pour maintenir le rythme à l'avenir.

Depuis quelques années, les économistes sont fascinés par les gains de productivité aux États-Unis. Cependant, depuis deux ans, les gains y ont été moindres qu'ici, avec des hausses de 0,4% en 2013 et 0,6% en 2014.

La productivité des entreprises est la valeur de l'ensemble des biens et services produits (le produit intérieur brut des entreprises) rapportés par heure travaillée.

Au Québec, les entreprises ont produit une valeur équivalant à 44,60$ par heure travaillée en 2014, comparativement à 46,20$ en Ontario et à 50,10$ dans l'ensemble du Canada. L'Alberta est dopée par le pétrole, à 72$, tandis que l'Île-du-Prince-Édouard fait figure de parent pauvre, à 28,20$. Aux États-Unis, la productivité est environ 20% plus forte qu'au Canada.

Quoi qu'il en soit, j'espère que cette chronique aura fait comprendre un élément essentiel: toute augmentation réelle des salaires et du niveau de vie est tributaire des gains de productivité. Capiche?

Canada (en %) | Québec (en %) | États-Unis (en %)

2010 : 1,7 | -0,9 | 3,3

2011 : 2,1 | 1,6 | 0,1

2012 : 0,0 | 0,2 | 0,7

2013 : 1,2 | 0,5 | 0,4

2014 : 2,5 | 2,5 | 0,6