Experts invités pour la durée de la campagne électorale, les professeurs Stéphanie Yates et Thierry Giasson se prononcent chaque samedi sur cinq des principaux thèmes de la semaine.

L’engagement de la semaine

QS et la TVQ

Québec solidaire (QS) en a surpris plus d’un en s’engageant à abolir la TVQ sur des milliers de produits, dont les vêtements ou la nourriture achetée au restaurant, afin d’aider les électeurs à faire face à l’inflation. Une mesure jugée non progressiste puisqu’elle avantage les personnes qui consomment le plus, donc les plus riches d’entre nous. Ce recentrage du parti était prévisible dans l’optique où QS veut se présenter comme une solution de rechange crédible au gouvernement Legault. Ce pragmatisme risque toutefois de se buter aux factions plus radicales du parti : reste à voir si ces tensions resteront souterraines ou éclateront au grand jour en cours de campagne.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Le PQ et les véhicules électriques

Début de campagne très décevant sur ce front, alors que tous les partis ont promis des milliards en baisses d’impôts, de taxes ou en allocations diverses pour lutter contre l’inflation. On se demande si des économistes étaient membres des équipes stratégiques des partis lorsque ces promesses coûteuses ont été pensées. Les services publics manquent toujours autant d’amour. Moins d’impôts = moins de services. Mais la proposition du Parti québécois (PQ) de forcer les concessionnaires automobiles à offrir davantage de véhicules électriques afin d’atteindre plus rapidement nos cibles de réduction de GES était certainement l’une des plus audacieuses et courageuses de la semaine !

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

Le moment mémorable

La haine en ligne dénoncée

Les menaces de mort à l’endroit de la députée libérale Marwah Rizqy auront donné lieu à une rare unanimité entre les chefs de parti, qui ont tous vivement condamné la situation et, plus généralement, le climat violent et toxique qui a cours, notamment sur les médias sociaux. Ils ont donné à voir qu’au-delà de la joute politique, ils partageaient les mêmes valeurs démocratiques et le souhait que la division croissante ne soit pas un frein au débat d’idées. Ça a aussi été l’occasion pour François Legault de revêtir à nouveau ses habits de premier ministre, notamment dans un appel au calme et à la responsabilité de chacun diffusé sur les médias sociaux.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Débuts difficiles pour le PLQ

Le début de campagne difficile de Dominique Anglade à Québec est mon moment mémorable. Elle disait vouloir mener une campagne offensive dans une région qui a déjà été acquise aux libéraux. Les trois premiers jours de la tournée du Parti libéral du Québec (PLQ) sont passés de décisions stratégiques douteuses en évènements mal organisés. La visite de Mme Anglade au marché public de Sainte-Foy, sans candidat local à ses côtés, en était l’illustration parfaite. Résultat, les stratèges du PLQ ont perdu le contrôle du message du parti pendant presque toute la première semaine de campagne. Dans une courte campagne de 39 jours, c’est le pire scénario qui se concrétise.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

Le leader en action

GNL Québec : le pari risqué de Duhaime

Faire du projet de GNL Québec LA question de l’urne pour les électeurs et électrices du Saguenay–Lac-Saint-Jean est une stratégie risquée de la part d’Éric Duhaime. En plus de diluer son message jusqu’ici centré sur l’atteinte aux libertés individuelles attribuable à la gestion de la pandémie par François Legault, il est pour le moins hasardeux d’affirmer que le projet bénéficie d’une bonne acceptabilité sociale dans la région. GNL Québec qui, selon des experts, nécessiterait des investissements publics importants afin d’être concurrentiel, aurait des retombées économiques limitées tout en menaçant les bélugas, sans compter ses impacts sur la production de GES. Tout cela semble difficilement justifiable, même auprès d’un électorat conservateur.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Legault est parfois son pire ennemi

En communication politique, François Legault est parfois son pire ennemi. Ses impairs langagiers (qui lui sont peut-être suggérés par ses stratèges et rédacteurs, ne l’oublions pas) peuvent le mettre dans l’embarras. Ainsi, refuser de nommer ses adversaires, comme il l’a fait dimanche dernier en répondant à une question sur Dominique Anglade qu’il a plutôt nommée « cette madame », est maladroit et irrespectueux. Et cela a permis à Mme Anglade de retourner l’affaire à son avantage en lançant lors du lancement de sa propre campagne dimanche soir : « La madame, elle a un plan ! ». Bien joué !

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

L’étoile montante/filante

Un appui qui fait mal

Il y a tellement d’étoiles filantes au PLQ qu’on se croirait de retour à la saison des perséides. Au-delà des cas particuliers — il faut reconnaître que la politique est un sport extrême — le grand nombre de circonscriptions encore vacantes témoigne du délitement de la proverbiale « machine » libérale, jadis redoutable. L’appui du vétéran Yvon Vallières à un candidat de la CAQ fait particulièrement mal, lui qui est resté fidèle au parti depuis près de 50 ans. Dominique Anglade, qui conserve son aplomb malgré tout, semblait bien seule lors de ses annonces sur son « Plan portefeuille » faites à Québec cette semaine, sans équipe économique à ses côtés.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Du courage à la tonne

Les récits courageux et choquants des candidats sortants Marwah Rizqy et Sylvain Lévesque sur les menaces inacceptables qu’ils subissent depuis le début de leur campagne ont de nouveau attiré l’attention des Québécois sur la violence quotidienne à laquelle sont confrontés nos élus, en particulier les femmes. L’engagement en politique de nos proches, de nos voisins, de nos collègues de travail doit être davantage valorisé au Québec. Le pouvoir politique et son exercice appartiennent à tous les citoyens. Et ceux qui se lancent dans cette aventure exigeante méritent du respect plutôt que du mépris, de la misogynie, du racisme et de la violence. Que ça change, et vite !

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

L’image qui vaut mille mots

Une caricature qui fait polémique

CAPTURE D’ÉCRAN DE LA CARICATURE PARUE DANS THE MONTREAL GAZETTE

Caricature de Jacques Goldstyn (alias Boris) dans The Montreal Gazette

Si le PQ est le « Parti cendrillon », il a trouvé sa fée marraine en la caricature de Jacques Goldstyn (alias Boris) dans The Montreal Gazette. Même si les intentions du caricaturiste ont été mal comprises — lui qui voulait dénoncer l’indifférence de certains à propos du 100e anniversaire de naissance de René Lévesque —, Paul St-Pierre Plamondon s’est vite emparé de la polémique. Un véritable cadeau du ciel (ou un coup de baguette magique ?), qui lui donne l’espoir de raviver la flamme nationaliste d’une frange de l’électorat, le tout en cohérence avec le reste de sa campagne.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Pleins feux sur les affiches électorales

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Pancarte d’une candidate de la CAQ dans le Vieux-Québec

L’affichage électoral a été au cœur des discussions cette semaine. D’abord pour le non-respect des règles d’affichages dans plusieurs sites où la publicité visuelle est interdite. Dans le Vieux-Québec, la CAQ est d’ailleurs multirécidiviste depuis trois élections ! Ensuite, pour les nombreuses dégradations d’affiches qui se sont déroulées partout au Québec, en ligne et hors-ligne. L’image terrifiante de l’affiche du candidat caquiste dans Chaveau, Sylvain Lévesque, maculée de sang, qui a circulé sur Twitter, résume visuellement l’un des thèmes centraux de la première semaine de campagne.

CAPTURE D’ÉCRAN DE TWITTER

Une affiche électorale du député caquiste Sylvain Lévesque couverte de sang a été publiée en ligne jeudi
par un internaute.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval