En réponse à l’éditorial signé par Alexandre Sirois dans La Presse du 11 juillet « Il faut qu’on (re)parle des médecins de famille »*.

D’abord, surprise, M. Sirois banalise un exploit remarquable, soit que malgré des obligations en milieu hospitalier qui représentent encore aujourd’hui près de 40 % de la charge de travail globale des médecins de famille, 1,2 million de Québécois de plus ont été pris en charge par un médecin de famille depuis 2015. On parle d’une amélioration de près de 15 % (67 % à 81 %), avec un taux d’assiduité (proportion de visites moins ou non urgentes auprès du médecin de famille inscripteur ou d’un collègue de son groupe) de 85 % !

M. Sirois semble d’ailleurs ignorer l’existence même de cet indicateur de performance duquel les médecins sont pourtant responsables… Cela dit, nous sommes conscients qu’il peut y avoir de l'amélioration. Toutefois, prétendre que la situation se détériore alors que la plupart des données indiquent plutôt le contraire a de quoi laisser dubitatif.

Ensuite, pour justifier son point de vue selon lequel l’accès en première ligne se détériorerait, M. Sirois mentionne le fait qu’en 2018-2019, 71 % des visites ambulatoires aux urgences étaient celles de patients présentant des problèmes de santé jugés moins ou non urgents lors du premier triage. Et que pour près de 72 % des visites, les patients avaient un médecin de famille. Pourtant, si on combine les consultations aux urgences (1,6 million) et en première ligne (14,3 millions) des patients inscrits, on obtient au total 15,9 millions de visites pour des motifs peu ou pas urgents.

C’est donc seulement 10 % de la consommation annuelle de soins pour des problèmes moins urgents qui ont lieu aux urgences contre 90 % en clinique médicale pour ces patients !

Et les raisons motivant une consultation aux urgences peuvent être multiples : heure tardive ou nocturne, souhait de consulter dans un hôpital spécialisé pour enfant, nécessité d’avoir accès à un plateau technique ou à une consultation spécialisée, région éloignée ou rurale où les petites urgences sont un milieu de soins incontournable, etc. On parle donc de raisons qui n’ont souvent pas de lien direct avec l’accessibilité des médecins de famille.

M. Sirois affirme ensuite gratuitement que « la Fédération persiste à bloquer les réformes qui permettraient de colmater les brèches de la première ligne ». De quoi parle-t-il ? De la réforme de notre mode de rémunération ? Nous sommes en faveur du principe, c’est le gouvernement qui a mis un terme temporairement aux discussions l’an dernier en raison de la pandémie ! Des pouvoirs accrus déjà accordés aux autres professionnels ? Léger problème : il manque déjà d’infirmières, de psychologues et de pharmaciens partout dans le réseau de la santé !

Pour conclure, M. Sirois y va d’une analogie douteuse en parlant de bonbons sans qu’il y ait de visite chez le dentiste pour les omnipraticiens (?). En observant ce qui fut demandé aux médecins de famille au cours des dernières années et encore plus particulièrement lors des 16 derniers mois : maintien et amélioration de l’offre de services de prise en charge, accès pour tous au service de consultation sans rendez-vous dans les GMF, réaffectation ou offre de service accrue en soins de longue durée (CHSLD et RPA), réaffectation en clinique de dépistage et d’évaluation (CDE), omniprésence et heures nombreuses en milieu hospitalier (urgences, hospitalisation, obstétrique, soins intensifs, etc.), et tout cela dans un contexte extrêmement éprouvant sur le plan humain, difficile de ne pas trouver cette analogie affligeante et de mauvais goût.

Lisez « Il faut qu’on (re)parle des médecins de famille »