L’humain est un être complexe et l’expérience du confinement en a fait ressortir un aspect troublant : il souffre d’une inquiétude chronique !

Celle-ci est constitutive de sa personne et est un symptôme de quelque chose qui se loge au plus profond de son être : la conscience désarmante d’être là, à perdurer dans l’univers, sans en connaître véritablement le pourquoi. De là, alors, dépression, déprime, angoisse et peur de mourir…

Mais soulignons que cet état dépressif n’est pas qu’occasionnel : il existait bien avant le confinement et il continuera d’exister bien après. Le confinement n’a fait que l’exacerber et le mettre particulièrement en relief.

Dans sa vie préconfinement, cette malheureuse conscience de soi rendait déjà l’humain ambivalent sur tout : autant sur ce qu’il doit faire ou ne pas faire, autant sur ce qu’il doit penser ou ne pas penser, autant sur ce qu’il doit croire ou ne pas croire…

Pareilles ambivalences grugeaient son moral au point où une seule solution s’imposait à lui : la fuite ! Remarquons qu’en soi, une telle fuite n’a rien d’immoral ou d’insensé. Au contraire, l’humain n’a pas le choix. Il doit s’y livrer, sinon son état psychique dépérit.

Et bien que la place indéterminée qu’il occupe dans l’univers le préoccupera jusqu’à la fin de ses jours, il se doit absolument de trouver des activités qui serviront de cataplasmes pour endiguer cette invivable incertitude existentielle.

Peu importe la situation, à la base, confinement ou pas, il s’agit donc toujours pour l’humain d’éviter de penser à ce qu’il est vraiment : un être doué d’une raison extraordinaire mais abandonné au milieu d’un univers incompréhensible.

En temps normal, l’humain oublie cette situation existentielle en s’attelant à surmonter une montagne d’obstacles. Par exemple, obsédé par un travail ardu, il parviendra à une certaine paix d’esprit. Remarquons que ce n’est aucunement par l’intelligence qu’il domine les aléas de la nature mais uniquement par sa ténacité à vouloir y demeurer à tout prix.

Et lorsqu’il s’agira pour lui de se divertir, il agira de même : il choisira de le faire non pas dans la facilité mais avec passion et ardeur pour… réussir à oublier sa situation réelle. Car dans le divertissement aussi, il faut qu’il souffre un peu pour avoir l’impression qu’il se domine et domine les aléas de la nature. Aussi tout ce qui a rapport au sport, à la compétition et à l’entraînement difficile sera privilégié comme type de divertissement.

On comprendra qu’en période de confinement où le contact avec les autres est limité, de telles activités se font malheureusement absentes. La plupart du temps, l’humain se retrouve à devoir se contenter de la télévision ou de casse-têtes trouvés sur l’internet. Malheureusement, il n’y a là aucun projet difficile qui le tiendrait en haleine et qui pourrait lui remonter le moral…

En réalité, disons-le, l’humanité n’a pas et n’a jamais eu le choix : de par son essence ambigüe, elle est tout entière faite pour le tumulte de la vie plutôt que pour le repos ou la tranquillité d’esprit. De toute façon, son intelligence seule, si exceptionnelle soit-elle, loin de lui en donner l’accès ne lui fournit que de l’angoisse…

Le retour à la normale, avec ses activités souvent débridées où l’argent et la compétition règnent en maître, reste malheureusement la seule voie possible pour l’humanité. Remarquons qu’avec ses rivalités et ses guerres incessantes de toutes sortes, c’est ce qu’elle a toujours fait dans les siècles passés…

Aujourd’hui, à la suite du confinement, avec l’explosion démographique en cours et la destruction systématique de l’environnement, plusieurs voudraient que cela change et que ce soit différent dans le futur.

Mais à quoi bon se bercer d’illusions : menée par ses instincts plutôt que par une lucidité d’esprit qu’elle ne peut supporter, l’humanité persistera toujours aveuglément dans de folles activités. Elle risque sans doute ainsi d’ajouter encore quelques clous à son cercueil… Mais peut-elle vraiment faire autrement ?