Les coûts d'un emprunt hypothécaire ou obligataire augmentent aussi au Canada dans la foulée de l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Les grandes banques canadiennes ont maintenant toutes emboîté le pas à la TD qui avait surpris la semaine dernière en portant de 2,25 % à 2,30 % le taux d'intérêt variable sur les hypothèques de cinq ans. Le taux n'avait pas bougé depuis juillet.

Ce tout récent alignement fait suite au bond des taux sur les obligations canadiennes, dans la foulée de l'élection-surprise du candidat républicain. Il y a une semaine, le taux des obligations venant à échéance dans cinq ans était de 0,69 %. Depuis jeudi, c'est 0,87 %.

Dans les échéances plus longues, l'augmentation des derniers jours est plus spectaculaire encore : de 1,20 % à 1,42 % dans l'échéance de 10 ans ; de 1,84 % à 2,06 % dans celle de 30 ans. Le Canada émettra une nouvelle tranche d'obligations de 30 ans, le 23 novembre : quel taux devra-il consentir ?

Pour les ménages qui financent leur maison à taux fixe, ça signifie que le renouvellement du prêt hypothécaire entraînera sans doute des mensualités plus élevées. Un prêt de cinq ans se négociait le mois dernier à un taux aux environs de 2,4 %.

Pour les futurs acheteurs, les nouvelles conditions d'obtention de la garantie de la Société canadienne d'hypothèques et de logement risquent de se resserrer davantage.

Pour les gouvernements fédéral et provinciaux, les coûts du (re)financement de la dette seront un peu plus élevés aussi.

En revanche, la hausse des taux est certainement bienvenue par les caisses de retraite et les compagnies d'assurances : elle allège le poids de leur passif.

Ce n'est pas du tout que M. Trump effraie les prêteurs. La hausse observée sur toute la pente des taux obligataires signifie que le programme économique de M. Trump est jugé inflationniste.

À court terme, la perspective que la Réserve fédérale américaine (Fed) augmente son taux directeur à la mi-décembre reste très élevée, un peu plus même que la semaine dernière.

À moyen terme, la concrétisation des engagements électoraux nourrira l'inflation. Sa faiblesse prolongée a été le principal frein à la normalisation du taux directeur de la Fed, malgré le taux de chômage très faible à 4,9 % seulement en octobre.

Ainsi, la perspective d'expulser 11,3 millions d'immigrants illégaux (l'équivalent de 7,3 % de la population active) ou ou de favoriser leur exil volontaire exercera des pressions à la hausse sur les salaires, notait jeudi Benjamin Tal, de la CIBC.

Et que dire de droits compensatoires de 45 % et de 35 % sur les biens en provenance de la Chine et du Mexique, les deux principaux fournisseurs hors énergie des États-Unis, tel que promis en campagne ? Sans même passer par le Congrès, M. Trump peut imposer des tarifs de 15 %, ce qui reste inflationniste.

Injecter 500 milliards pour la réfection et la modernisation des infrastructures stimulera aussi la croissance à court terme (à compter de 2018 surtout) et... l'inflation.

Les réticences chez quelques membres de la Fed à augmenter les taux par crainte de fragiliser une croissance jugée faible s'estomperont au profit de la volonté d'assurer la stabilité des prix, surtout dans un contexte de quasi plein emploi.

Avant l'élection, on estimait à la Fed que deux autres augmentations du taux directeur allaient sans doute survenir en 2017. Dans quelle mesure se ravisera-t-on, comme semblent l'escompter les marchés obligataires ?

Les baisses d'impôt promises, tant aux particuliers qu'aux entreprises, doivent en principe se financer par une croissance économique plus forte qui stimulera les rentrées fiscales. Rien n'est moins sûr cependant. Si l'accélération de la croissance est inflationniste, elle sera vite entravée par la montée du loyer de l'argent orchestrée par la Fed.

Les baisses d'impôt risquent plutôt d'aggraver le déficit budgétaire américain. Le Trésor devra emprunter beaucoup plus, ce qui exerce des pressions à la hausse sur les taux obligataires à moyen et à long terme.

La Banque du Canada vante l'asymétrie de sa politique monétaire depuis un an déjà. Ici, c'est la désinflation qui menace. L'élection de Donald Trump n'est pas non plus le gage d'un meilleur sort pour nos exportateurs.

Néanmoins, le marché obligataire canadien est déjà et sera touché par la poussée des taux américains. « On bouge à 75 % environ comme aux États-Unis », résume Jean-François Godin, vice-président, recherches, chez Desjardins Marché des capitaux. C'est particulièrement vrai dans les échéances de 10 et de 30 ans, les termes privilégiés par les provinces.

Même avec les hausses observées cette semaine, les taux obligataires restent historiquement faibles. Ils dépassent à peine les niveaux observés en début d'année.

Rien n'indique qu'ils vont arrêter leur ascension après l'investiture du prochain président, le 20 janvier.

Infographie la presse

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