Tout examen pour le moins approfondi des programmes d'Hillary Clinton et de Donald Trump force à conclure que les relations entre les États-Unis et le Canada vont changer quand entrera en fonction la 45e personne à occuper le bureau Ovale de la Maison-Blanche, en février prochain.

Le programme du candidat républicain paraît plus néfaste. On n'a qu'à penser à sa volonté maintes fois répétée de retirer la première économie du monde de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui la lie au Canada et au Mexique.

Avant de tirer des conclusions définitives, toutefois, il importe de comprendre que les élections d'aujourd'hui ne visent pas uniquement à choisir un(e) président(e), mais à renouveler la Chambre des représentants contrôlée par les républicains et à choisir 34 des 100 membres du Sénat, aussi majoritairement républicain.

Le contrôle des deux chambres (le Congrès) par les républicains a entravé considérablement le pouvoir de Barack Obama. Une ou deux chambres hostiles au futur locataire de la Maison-Blanche sont aussi susceptibles d'édenter son programme.

Nous allons ici présumer que le ou la vainqueur aura les coudées franches pour mesurer les effets de ses engagements sur le Canada.

DÉPENSER PLUS DANS LES INFRASTRUCTURES

Mme Clinton s'engage à augmenter de 275 milliards, répartis sur cinq ans, les dépenses fédérales en infrastructures. M. Trump promet le double. Il s'agit d'un rare point où les deux candidats sont sur un terrain d'entente. Pour les entreprises canadiennes, en particulier celles qui ont des filiales aux États-Unis, il s'agit d'une occasion certaine.

LA FISCALITÉ

Donald Trump promet des baisses d'impôt pour tous les contribuables en ramenant de sept à trois le nombre de paliers d'imposition. Il prétend que cette baisse pourrait stimuler la croissance et porter son rythme annuel à 4 %. La majorité des économistes en doutent. La Réserve fédérale américaine estime à 1,5 % la croissance potentielle (sans pression inflationniste) de l'économie américaine, le Congressional Budget Office, à 1,6 %. Si M. Trump a raison, alors la Fed devra accélérer la hausse de son taux directeur pour combattre la surchauffe. Cela pourra affaiblir le dollar canadien et compenser en partie les effets de la hausse des taux d'intérêt américains sur la croissance.

Si M. Trump a tort, alors la dette américaine augmentera rapidement.

Cela sera néfaste pour le Canada, dont les taux d'intérêt sont aussi influencés par les taux américains et pas seulement par la politique monétaire de sa banque centrale. Les taux sur les prêts hypothécaires, en particulier, sont vulnérables à la hausse de la dette américaine, alors que le niveau d'endettement des ménages canadiens reste le plus grand risque interne à l'économie.

Les mesures fiscales annoncées par Mme Clinton sont plus équilibrées. Elles sont peu susceptibles d'augmenter de façon draconienne la dette publique et de toucher les taux d'intérêt canadiens. Ses mesures d'allégement de la paperasse pour la PME et d'aide au secteur manufacturier pourraient aider les fournisseurs canadiens de ces entreprises.

DÉFENSE

Mme Clinton paraît s'inscrire dans la continuité de la politique de Barack Obama. Il en va bien autrement pour M. Trump. L'augmentation proposée de 500 milliards en 10 ans du budget de la défense aura peu d'impact sur le Canada. En revanche, il souhaite que les alliés des États-Unis contribuent davantage à l'effort militaire. Les États-Unis consacrent l'équivalent de 3,5 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense. Le Canada, 1 % seulement, soit la moitié de la recommandation de l'OTAN, selon la Banque mondiale. Le Canada est aussi l'autre membre de NORAD, le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. L'augmentation du budget éventuellement requise par Washington signifie des dépenses accrues annuelles de quelque 20 milliards (1 % du PIB) qui viendront augmenter le déficit d'Ottawa ou diminuer l'argent consacré à d'autres engagements budgétaires comme les dépenses en infrastructures.

ÉNERGIE

Mme Clinton et M. Trump sont aux antipodes dans ce dossier. La première s'inscrit dans la continuité et veut même aller plus loin que M. Obama dans la promotion des énergies propres en taxant notamment le pétrole de schiste et en s'opposant au pipeline Keystone XL. Cela exercera des pressions sur le Québec pour désenclaver l'or noir et sale de l'Alberta.

M. Trump est favorable au pipeline, à condition que les États-Unis en tirent une source de profit. Il ne précise pas comment. Cela serait bien accueilli par l'Alberta. Il propose aussi de réactiver la filière du charbon concentrée dans les États du centre. Ses fumées toxiques augmenteraient la pollution de l'air de l'Ontario et du Québec. M. Trump s'oppose au Traité de Paris en matière d'environnement. S'il annule la décision de son prédécesseur, les entreprises canadiennes subiraient des contraintes auxquelles échapperaient les américaines. Ottawa subirait des pressions pour imiter Washington.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

Tant M. Trump que Mme Clinton ont promis de ne pas ratifier le Partenariat transpacifique, cher au président Obama et à la majorité républicaine au Congrès. En ce qui concerne l'ALENA, mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot passe en revue les positions des deux candidats à l'onglet suivant. Chose certaine, un vent de protectionnisme souffle sur Washington, ce qui est malsain pour le Canada, qui cherche désespérément à augmenter son commerce extérieur. En septembre, son déficit commercial hors énergie a atteint 8,2 milliards, un creux historique.