Avec la convention républicaine, qui s'ouvrira le 18 juillet, et la convention démocrate, qui s'ouvrira le 25, les véritables intentions et les plateformes des deux candidats vont se préciser.

Même si le Canada ne constitue pas un enjeu explicite dans la présente campagne, la présidentielle américaine aura des répercussions importantes sur le pays.

L'élection de Donald Trump provoquerait certainement une onde de choc dans l'ensemble de la communauté internationale.

En politique étrangère, il adopterait une attitude plus tiède à l'égard des alliés traditionnels des États-Unis et une position plus agressive envers ses ennemis ou concurrents présumés, dont la Chine, la Russie, l'Iran et le Mexique.

Sur la plan économique, Trump est sans contredit le candidat le plus protectionniste des dernières décennies. Il a affirmé à quelques reprises que l'ALENA est le pire traité de libre-échange jamais ratifié par les États-Unis et qu'il exigerait une renégociation, sous peine de résilier l'entente.

Hillary Clinton s'est quant à elle vue contrainte d'adopter une posture plus protectionniste qu'à l'habitude pendant les primaires. Talonnée par Bernie Sanders, un critique de longue date des traités de libre-échange qui a d'ailleurs bien fait dans les États du « Rust Belt » durement touchés par la délocalisation, Clinton a elle aussi dénigré l'ALENA et fait marche arrière sur le Partenariat transpacifique (PTP), auquel elle était pourtant très favorable lorsqu'elle était secrétaire d'État.

Néanmoins, la plupart des observateurs et analystes croient qu'une fois élue, Clinton, tout comme son prédécesseur, ne touchera pas à l'ALENA et fera de nouveau volte-face sur le PTP. Cette perspective apparaît naïve et partielle pour deux raisons.

Premièrement, elle fait abstraction de l'évolution marquée de l'opinion publique et d'une partie de la classe politique américaine à l'égard du libre-échange. L'enjeu central de l'élection en cours est l'économie et plus particulièrement le déclin de la classe moyenne, la perte d'emplois manufacturiers bien rémunérés, la stagnation des revenus et l'augmentation des inégalités. La frustration des Américains est palpable. Les sondages indiquent que deux Américains sur trois sont insatisfaits de leur situation personnelle et de la direction prise par leur pays.

Les causes de ce déclin sont multiples : on peut invoquer l'automation, la mondialisation, la financiarisation de l'économie et les politiques d'austérité.

Par contre, à tort ou à raison, le libre-échange est maintenant considéré comme l'une des sources principales du malheur des Américains.

Dans cette perspective, les principaux coupables sont la Chine et le Mexique, ce que Donald Trump ne manque pas de répéter.

Selon le Bloomberg Politics Poll, 65 % des Américains souhaitent restreindre les importations, 82 % sont prêts à payer plus cher pour des produits fabriqués aux États-Unis et 44 % croient que l'ALENA a été dommageable pour le pays, contre 29 % qui ont une opinion favorable et 27 % qui sont incertains.

Selon d'autres sondages, deux Américains sur trois seraient favorables à une renégociation de l'ALENA (Rasmussen polls, 5 juillet 2016). À moins d'un retour de l'économie américaine à des taux de croissance suffisamment élevés pour renverser les fortunes de la classe moyenne, ce qui est très peu probable, le prochain président des États-Unis pourra difficilement ignorer les tendances protectionnistes de l'électorat et les promesses de campagne.

Deuxièmement, bien que l'ALENA ne sera probablement pas aboli ou même renégocié, les dirigeants américains ont plusieurs outils à leur disposition pour favoriser les entreprises nationales et rendre les délocalisations plus difficiles, y compris la fiscalité, les quotas, les subventions directes ou indirectes, la « sécurité nationale » et d'autres barrières réglementaires.

Un traité comme l'ALENA ne fait pas que favoriser l'intégration économique, il vise aussi à assurer une certaine cohésion géopolitique et des relations harmonieuses entre les pays d'Amérique du Nord. Pour le Canada, la menace protectionniste et l'hostilité ouverte de M. Trump et d'une partie de la population américaine à l'égard du Mexique sont hautement problématiques.

Dans la conjoncture actuelle, le Canada doit redoubler d'efforts pour resserrer ses liens avec le Mexique. Le Mexique a non seulement le potentiel de devenir un partenaire économique de premier plan, mais servira éventuellement de porte d'entrée pour l'ensemble de l'Amérique latine qui, à moyen et long terme, recèle un potentiel économique sans égal pour le Canada.

Sur le plan géopolitique, le Canada et le Mexique ont tout avantage à faire cause commune lorsque les États-Unis menacent de se replier, afin de promouvoir les intérêts nord-américains et d'agir comme médiateurs lorsque les circonstances l'imposent.