Avez-vous vu la photo de Denis Coderre à bord d'une voiture de métro Azur il y a quelques jours ? Elle avait quelque chose de «plaqué». Comme si on avait parachuté le maire dans un environnement qu'il ne connaît pas.

Normal. Il ne le connaît pas.

Le maire Coderre se déplace en voiture. Il ne prend donc à peu près jamais le bus ou le métro. «Quelques fois par année», me dit son entourage. Possiblement une exagération...

Bon, bon, bon. Je vous vois déjà hocher la tête. Vous me voyez venir et vous vous dites : franchement, Cardinal, le maire est trop occupé pour attendre le bus ! On le paye pour qu'il prenne des décisions, pas pour qu'il perde son temps sur le quai du métro!

En effet. C'est d'ailleurs ce que m'avait répondu Gérald Tremblay en 2008, lorsque je lui avais demandé s'il prenait les transports en commun. «Je travaille de 6 h à 23 h, ce serait bien difficile pour moi.»

Puis il avait ajouté, après un court silence : «Mais vous avez raison, je devrais [les] prendre...»

Me semble, non?

En tant que patron du patron de la STM, ça vaut la peine d'aller voir ce qui s'y passe de temps en temps, vous ne trouvez pas ? Ça mérite une petite visite hebdomadaire, mensuelle à la limite, afin de connaître le réseau, non?

Je n'ai jamais signé de chèque de 400 millions, personnellement. Mais si j'avais à le faire, je crois que j'aurais envie d'aller voir à quoi il sert. J'aurais envie de me faire une tête, moi-même, sur l'état de ce réseau que je finance, sa propreté, ses retards, ses pannes, comme celle qui a eu lieu jeudi sur la ligne verte.

C'est ce que font les bons gestionnaires en entreprise. Ils testent eux-mêmes leur produit, expérimentent le service à la clientèle, vérifient la fiabilité de leur marchandise pour s'assurer que tout est correct.

Ben oui, Denis Coderre est conseillé par des gens qui ont déjà utilisé une carte Opus. Ben oui, le président de la STM emprunte le réseau chaque jour. Mais cela ne donne au maire qu'une vision théorique, et donc forcément tronquée, de la situation.

S'il y a quelqu'un qui devrait savoir ça, c'est bien Denis Coderre!

S'il a senti le besoin de se déguiser pour descendre dans un collecteur avant le déversement, c'est qu'il ne voulait pas se fier qu'à l'avis des experts. S'il s'est rendu sur les lieux d'un déraillement en octobre dernier, c'est qu'il voyait l'importance d'être sur le terrain pour comprendre ce qui se passait.

Pourquoi ça serait différent avec les transports en commun ? Dans un contexte de crise, surtout, comme c'est le cas actuellement?

Je sais bien que le maire travaille des heures de fou. Je sais qu'il est très occupé. Mais l'est-il vraiment plus que le maire de Calgary ? De Londres ? De New York même ?

Naheed Nenshi prend les transports en commun dans la capitale pétrolière du Canada. Ken Livingstone, qui était maire de la capitale britannique jusqu'en 2008, empruntait le « tube » chaque jour. Et Michael Bloomberg a beau être extrêmement riche, il descendait chaque semaine dans le «subway» quand il était à l'hôtel de ville. Car tous ces maires ont compris que les transports en commun, c'est la ville, et vice-versa.

Fait intéressant, le successeur de M. Bloomberg, Bill de Blasio, a pris le métro l'an dernier. Il a trouvé le temps tellement long pour franchir quatre petites stations (23 minutes) qu'il a envoyé un courriel de plainte à plein de monde dès qu'il a mis le pied au bureau.

On devine que ce « traumatisme » teinte aujourd'hui ses décisions. Peut-être même celle, récente, de ramener le tramway à New York, qui sait ?

Pas question de faire la morale au maire, ici. Pas question de le forcer à faire quelque chose qu'il rechigne à faire. Simplement de rappeler que c'est lui, ultimement, qui décide de la destinée de la STM. Qui choisit de réduire ou de bonifier ses budgets. Qui envoie le signal que les transports en commun sont une priorité... ou pas.

Me semble que les emprunter à l'occasion devrait aller de soi. Surtout pour un maire « de terrain ».