Lundi, le premier ministre Stephen Harper dénonçait ce qu'il appelait la «jobs-killing carbon tax», la taxe carbone tueuse d'emplois.

Mercredi, l'Organisation de coopération et de développement économiques - qui n'est pas exactement une succursale de Greenpeace - disait très exactement le contraire. Dans la grande étude sur le Canada qu'elle a rendue publique lors de la Conférence de Montréal, l'OCDE recommandait au Canada de «continuer à développer l'utilisation d'instruments économiques pour tarifer les émissions de carbone.»

Ce désaccord illustre de façon saisissante l'isolement intellectuel, économique et politique dans lequel le Canada de Stephen Harper s'est cantonné avec ses politiques énergétiques et environnementales.

J'ai écrit sur le sujet mercredi, pour dénoncer l'approche crois ou meurs du gouvernement conservateur dans le dossier des sables bitumineux. Mais l'OCDE va plus loin. Les choses sont dites de façon diplomatique, mais si on lit entre les lignes, si on décode bien le ton poli que l'organisme international réserve aux analyses des pays membres, le jugement qu'il porte sur les politiques énergétiques canadiennes est très sévère. En fait, il adresse quatre critiques distinctes au gouvernement conservateur.

Premièrement, l'OCDE n'est pas d'accord avec l'approche canadienne qui consiste à appuyer sa politique climatique sur la réglementation comme le font les États-Unis. «Or, les instruments économiques tels que les permis négociables et les taxes carbone sont généralement plus efficients que la réglementation» affirme l'étude. Un tableau saisissant montre que cette taxation du carbone au Canada, équivalant à 7,72 euros par tonne de CO2, est la plus faible de l'OCDE avec celle des États-Unis et du Mexique. En gros, elle l'est dix fois moins que dans la plupart des pays européens. L'une des recommandations de l'OCDE est donc de demander au Canada de faire ce qu'il refuse de faire.

Deuxième critique, l'insuffisance de l'effort environnemental. L'organisme note que «s'agissant du pétrole, les inquiétudes relatives aux atteintes à l'environnement causées par l'exploitation des sables bitumineux empêchent la construction des oléoducs nécessaires pour accéder aux marchés américain et asiatique» et recommande donc de «redoubler d'efforts pour gérer les coûts environnementaux de l'extraction de ressources».

La troisième critique porte sur le fait que le Canada ne met pas suffisamment de côté le fruit de l'exploitation des ressources, comme le fait la Norvège, et que le gros des revenus sert à payer les dépenses courantes. L'OCDE cite une étude selon laquelle l'Alberta n'a épargné que 8% des recettes pétrolières depuis 30 ans. C'est un problème albertain, parce qu'au Canada, ce qui à plusieurs égards est un non-sens, le gouvernement fédéral ne perçoit pas de redevances sur les ressources. «La prudence et l'équité plaident en faveur d'une mise en réserve des gains générés par l'exploitation d'une ressource limitée, et d'un partage avec les générations futures.»

La quatrième critique consiste à appuyer la thèse voulant que le Canada souffre jusqu'à un certain point du mal hollandais. «La croissance des économies de marché émergentes a fait monter les cours des produits de base et stimulé l'activité économique... tout en menaçant la compétitivité du secteur manufacturier du pays. Ces facteurs ont modifié les termes de l'échange et provoqué d'importantes disparités régionales: la hausse des cours du pétrole a surtout profité aux habitants de l'Alberta, de la Saskatchewan, de Terre-Neuve et Labrador, tandis que d'autres facteurs... ont entraîné un ralentissement de la croissance des économies à forte intensité manufacturière de l'Ontario et du Québec.» C'est clair.

La conclusion, ce n'est pas de condamner le développement des ressources pétrolières, y compris les sables bitumineux, mais de bien l'encadrer, de compenser intelligemment ses effets environnementaux et économiques. En un mot, de doter le Canada d'une véritable politique énergétique et environnementale.