L'astrophysicien Stephen Hawking avait engagé un pari avec un collègue, Neil Turok, directeur du Perimeter Institute, un organisme de recherche ontarien (le célèbre scientifique britannique est en effet un parieur invétéré). Or, il y a quatre jours, il a apparemment gagné: on a bel et bien détecté des ondes gravitationnelles générées par le Big Bang, il y a près de 14 milliards d'années.

Quelle était la mise? Hawking ne l'a pas précisé...

La découverte est au moins égale en importance, dans le monde de l'infiniment grand, à celle du boson de Higgs dans l'infiniment petit. Le prix Nobel de physique a d'ailleurs été attribué, en 2013, aux théoriciens qui ont postulé l'existence de la particule élémentaire. Aujourd'hui, ceux qui ont repéré les secousses d'un univers naissant se retrouvent certainement en bonne posture pour être à leur tour nobélisés.

De qui s'agit-il? De l'équipe d'un projet de recherche dirigé par John Kovac et Clem Pryke. Le premier est professeur d'astronomie et de physique au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. L'autre est un physicien de l'Université du Minnesota. Leur principal outil de travail est un télescope, le BICEP2, installé à peu de distance du pôle Sud géographique.

Avec cette quincaillerie, ils ont trouvé l'aiguille dans la botte de foin du magma originel.

Leurs travaux jettent «un nouvel éclairage sur certaines des questions les plus fondamentales, à savoir pourquoi nous existons et comment a commencé l'univers», dit Avi Loeb, un grand théoricien de la physique de l'Université Harvard (AFP).

En pratique, les ondes repérées confirment l'expansion extrêmement rapide de l'univers dans les fractions de seconde qui ont suivi le Big Bang. L'«inflation cosmique», pour les intimes. C'est le moment où d'infimes irrégularités dans cette soupe originelle annonçaient la formation des galaxies et amas galactiques. L'affaire concerne aussi un lien éventuel entre relativité générale et mécanique quantique, une quête presque mystique (le Grand Tout!) à laquelle se livrent les scientifiques depuis des décennies.

Pour prendre la mesure du génie, l'existence de l'inflation cosmique avait été anticipée par Albert Einstein en... 1916.

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Quant à Neil Turok, il ne se tient pas pour battu.

Sa théorie veut que «notre» Big Bang ne soit qu'un parmi une infinité d'événements similaires se produisant de façon cyclique, sans début ni fin, ce qui exclut l'inflation cosmique. Aussi, il préfère attendre une confirmation de la découverte de Kovac et Pryke. Il plaide: avant d'être désactivé en octobre 2013, le télescope spatial européen Planck, lui, n'avait rien vu.

Bien joué!

C'est une des grandes beautés de la science que de soumettre l'opinion aux faits, ceux-ci venant obligatoirement avant celle-là. Une attitude fort peu courante dans le minuscule coin d'univers que le Big Bang nous a bricolé.