On l'accuse souvent d'improviser presque quotidiennement au pouvoir depuis six mois, mais cette fois, il faut admettre que le gouvernement Marois est arrivé très bien préparé au Sommet sur l'enseignement supérieur, hier matin à Montréal.

Les «propositions» du gouvernement étaient détaillées noir sur blanc (proposition étant ici un drôle de choix de mot, puisque seul le gouvernement a déposé des documents sur la table), les communiqués étaient rédigés, les «lignes de presse» bien apprises, l'appel au consensus omniprésent dans le discours, les calculs faits et le plan de match pour les prochains mois, décidé. Un scénario bien huilé, avec, autour de la table, une kyrielle d'intervenants, dont les chefs de trois partis de l'opposition, qui auraient mérité un Oscar pour meilleur acteur de soutien tellement tout cela s'est déroulé paisiblement.

On a cru pendant des mois que ce sommet se dirigeait inévitablement vers un fiasco, mais finalement, force est d'admettre que Pauline Marois, son ministre Pierre Duchesne et leurs conseillers ont assez bien tiré leur épingle du jeu.

Cela ne veut pas dire, tant s'en faut, que ce sommet, qui prendra fin ce midi, aura accouché des solutions attendues depuis longtemps, notamment pour le sous-financement des universités tant décrié par les recteurs, pour l'embauche des centaines de professeurs manquants, pour la recherche, entre autres choses.

Au cours de la dernière campagne électorale, le Parti québécois a gagné du temps en promettant un Sommet sur l'enseignement supérieur. Près de six mois plus tard, le gouvernement péquiste «achète» de nouveau du temps en ressortant un vieux truc: des chantiers!

D'abord, faire passer l'indexation des droits de scolarité, tel était le but de ce sommet. Pour le reste, on verra dans 6, 12, voire 18 mois.

On lance donc un chantier sur le financement des universités, sur l'offre de formation collégiale et, bien sûr, sur l'aide financière aux étudiants. On crée aussi un Conseil national des universités; on lance plusieurs études (notamment sur les conditions de vie des étudiants) et on promet des assises nationales de la recherche et de l'innovation.

Bref, le gouvernement veut régler immédiatement, par une indexation de 3% des droits de scolarité, la question explosive qui a provoqué la crise de l'an dernier... et repousser les questions de fond, comme le financement des universités et les politiques de recherche et d'innovation. Le gouvernement vient de libérer le chemin, du moins l'espère-t-il, jusqu'aux prochaines élections.

Dans les minutes qui ont suivi le dévoilement de la proposition d'indexation du gouvernement, la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, Martine Desjardins, a affirmé que l'augmentation de 3% était inacceptable, mais reconnaissait du même souffle que l'état de mobilisation du mouvement étudiant n'est plus ce qu'il était l'an dernier.

Difficile de dire que Mme Desjardins rageait, parce qu'elle a toujours un magnifique sourire fendu jusqu'aux oreilles, mais elle était mécontente de voir le gouvernement ne retenir qu'un seul scénario - une indexation à 3% - et de le voir revenir avec l'idée de moduler les droits de scolarité en fonction du programme d'étude, «ce dont il n'a pas été question dans les rencontres préparatoires», insiste-t-elle.

Mais, surtout, les étudiants étaient frustrés de voir que toutes les mesures sont repoussées en 2014-2015, sauf l'indexation des droits de scolarité, qui entrera en vigueur dès septembre.

Par ailleurs, les étudiants ne se font pas d'illusion quant à une éventuelle baisse des frais afférents, une vache sacrée pour les recteurs.

En fin de soirée, Martine Desjardins avait perdu son proverbial sourire, reprochant au gouvernement, dans une envolée passionnée, de ne pas avoir fait ses devoirs et de recourir, comme le précédent gouvernement, à une hausse des droits de scolarité.

Mme Desjardins n'a toutefois pas agité la menace d'une nouvelle mobilisation, pas plus qu'elle n'a mis en garde le gouvernement contre un rejet massif de sa proposition. Le printemps érable semble bel et bien fini.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca