Un sommet est une façon bien précise de faire des choix politiques. Il repose sur une forme très limitée de démocratie, le corporatisme, où les «partenaires» sont essentiellement des groupes de pression qui défendent chacun leurs intérêts. Et il mène à des décisions qui sont le fruit de consensus ou de compromis. Le résultat, c'est une espèce de manger mou où un gouvernement, au lieu de décider, au lieu de trancher, se borne à faire une moyenne.

Ce caractère mou, on le voit aussi au rituel, des documents préparatoires vaseux, riches en clichés et en bonnes intentions, mais très pauvres en analyse. On le verra aussi aujourd'hui et demain aux débats qui risquent fort d'être soporifiques, une litanie d'interventions trop brèves et écrites à l'avance, qui exigent des participants et des observateurs une patience à toute épreuve.

À ces limites propres aux sommets en général, s'ajoute le fait que ce Sommet sur l'enseignement supérieur n'est pas comme les autres. En général, les gouvernements qui recourent à ce genre de forum ont un projet, une vision, une idée à faire passer, et le sommet devient un aboutissement, un point d'arrivée.

Dans ce cas-ci, nous assistons au processus inverse. Le sommet a été un point de départ, une promesse électorale, issue de l'appui que le Parti québécois a donné aux étudiants dans leur opposition étudiant aux hausses des droits de scolarité. Le gouvernement Marois a d'abord annoncé un sommet, et s'est ensuite demandé comment il atterrirait.

Cette inversion du processus explique aussi un porte-à-faux important qui pèse sur ce sommet. C'est essentiellement un exercice pour désamorcer la crise des droits de scolarité - comme le montre l'objet des tractations depuis plusieurs semaines - maquillé en exercice de réflexion historique sur l'enseignement supérieur. D'où un malaise. Ni la démarche préparatoire, ni les documents produits, ni le format - une journée et demie de discussions débitées en tranches de trois minutes -, ne peuvent sérieusement s'attaquer à une réflexion aussi complexe.

Ce sommet se distingue aussi par le fait qu'il est plus politique que les autres. Parce qu'il est né d'une crise politique, et parce qu'il est présidé par un gouvernement minoritaire qui doit marquer des points. Les casseroles et les carrés rouges ont nui à Pauline Marois et l'ont peut-être privée d'une majorité. Le compromis qu'elle recherche est moins un pacte social qu'une opération politique où elle doit trouver des solutions acceptables à une population très majoritairement d'accord avec les hausses libérales, sans pour autant réactiver la mobilisation étudiante.

La formule de compromis, l'indexation, est un exemple parfait de manger mou, puisque après la crise étudiante, les élections, tous ces mois de préparation au sommet, on en reviendrait très précisément là ou nous étions entre 2006 et 2012!

Le calcul politique pourrait avoir une autre conséquence, moins heureuse. Le cahier du participant au sommet annonce quelques intentions gouvernementales, comme la création d'un Conseil national des universités, pour favoriser la qualité, ou encore le fait de lier le financement à l'atteinte de certains objectifs. Ce sont de bonnes idées. Mais tout dépend des objectifs.

Dans les messages, souvent indirects, du document gouvernemental, on sent deux préoccupations. Un souci d'attirer à l'université des étudiants dits de première génération, et un désir de promouvoir l'épanouissement des régions. Ce sont des objectifs louables.

Mais s'ils se traduisent sans nuances dans le financement, ils risquent de défavoriser les universités urbaines plus axées sur la recherche. C'est un scénario hélas plausible. Parce que le manger mou, au Québec, la voie de la facilité pour les gouvernements, c'est souvent, à cause de l'arithmétique électorale, de pencher du côté des régions et à sacrifier la métropole.