«En France, les ouvriers prennent une heure pour déjeuner et faire des pauses, ils travaillent trois heures, et les trois autres heures de la journée, ils s'assoient ou se promènent et discutent.» Cette caricature du travailleur français vient du patron de Titan International, un fabricant de pneus américain. On la trouve dans la réponse adressée par Maurice Taylor au ministre français du Redressement productif (!), Arnaud Montebourg, qui l'invitait à acheter l'usine Goodyear à Amiens, menacée de fermeture.

M. Taylor, qui s'est rendu sur place pour examiner la situation, a conclu que le syndicat local était «fou» et qu'il n'était pas question que Titan reprenne l'usine. «Bientôt, en France, il n'y aura plus d'emplois et tout le monde passera la journée assis dans les cafés à boire du vin rouge», prédit l'Américain.

La lettre a provoqué l'indignation en France. Le ministre Montebourg a répliqué en rappelant le rôle du marquis de La Fayette lors de la Guerre d'indépendance...

Le diagnostic de M. Taylor est évidemment bourré de préjugés. Toutefois, a souligné la représentante du patronat français, Laurence Parisot, le PDG de Titan «met en avant des dysfonctionnements qu'il faut que nous corrigions.»

L'économie du pays connaît une période sombre. Les usines ferment les unes après les autres. M. Montebourg a beau semoncer les patrons des multinationales, ils agissent ainsi parce que produire dans l'Hexagone coûte plus cher et est beaucoup plus compliqué qu'ailleurs, notamment en raison de la rigidité des lois du travail. Comme M. Taylor le concède, «les ouvriers français travaillent bien.» Cependant, ils travaillent beaucoup moins d'heures que ceux de la plupart des pays de l'Union européenne (4,3 heures de moins par semaine que les Allemands).

Résultat, «l'industrie française atteint aujourd'hui un seuil critique, au-delà duquel elle est menacée de déstructuration», concluait l'an dernier un comité d'experts formé par le gouvernement socialiste. Le gouvernement a réagi au rapport Gallois en annonçant une série de mesures qui, pour la plupart, reposent sur l'action de l'État.

Or, c'est un des gros problèmes de la France, le gouvernement y occupe une place démesurée. Malgré les hausses d'impôts et de taxes décrétées depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Ayrault ratera cette année la cible de déficit public fixée par la Commission européenne (3% du PIB). La Cour des comptes (l'équivalent de notre Vérificateur général) a averti le gouvernement: il lui faut absolument diminuer ses dépenses.

En somme, la France doit prendre un virage difficile. L'OCDE précise: il ne s'agit pas de démanteler le modèle social français, mais d'agir pour être en mesure de le préserver. Les socialistes veulent-ils, peuvent-ils lancer un tel chantier? Ce n'est pas certain. La société française y est-elle prête? Pas encore.