Le gouvernement Marois s'est dit bien déçu cette semaine de la décision de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) de boycotter son Sommet sur l'enseignement supérieur, mais dans le fond, c'est peut-être la meilleure chose qui pouvait lui arriver.

Au sein du gouvernement, on estime qu'il est normal que certains groupes confondent sommet et supermarché, où on débarque avec une longue liste. Il est inévitable, a dit Jean-François Lisée il y a quelques jours, que tous n'arrivent pas avec la même liste, que certains en demandent plus, d'où la nécessité d'un compromis.

Un compromis étant par définition une solution mitoyenne, le gouvernement doit trancher en cherchant à rallier le plus de monde possible. Dans ce cas-ci, le gouvernement a fait son nid: indexation des droits de scolarité, assortie d'aménagements sur les frais afférents et l'aide financière aux études. C'est clairement ce que laissent entendre les péquistes depuis quelques jours.

Le ministre Pierre Duchesne n'est peut-être pas aussi coincé qu'on le croit puisque sa porte de sortie est déjà toute trouvée. Son entourage ne semble pas particulièrement inquiet et le ministre lui-même, qui a organisé les rencontres préparatoires l'automne dernier littéralement sur le dos en raison de problèmes lombaires, prend les choses avec philosophie.

M. Duchesne et sa patronne ont une autre carte dans leur manche: à Québec, on chuchote avec de plus en plus d'insistance que la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, souhaite se lancer en politique et que c'est sous la bannière du Parti québécois (PQ) qu'elle se présenterait.

Si c'est vrai, le retrait de l'ASSÉ vient libérer doublement le gouvernement qui négociera avec une interlocutrice principale beaucoup plus parlable. Déjà, la semaine dernière, on disait, au gouvernement Marois, que les fédérations étudiantes universitaire et collégiale avaient tout intérêt à négocier avec un gouvernement péquiste plutôt que de risquer de se retrouver, en cas d'élections, devant une administration libérale ou caquiste.

L'ancien comparse de Martine Desjardins à la Fédération étudiante collégiale (FECQ), Léo Bureau-Blouin, est maintenant député du PQ, ce qui facilite les rapprochements avec la FEUQ, qui s'est bien gardée de couper les ponts avec des positions intransigeantes, contrairement à l'ASSÉ.

Parlant de l'ASSÉ, elle promet le retour de la grande mobilisation du printemps dernier, mais elle paraît pour le moment isolée. Son porte-parole, Jérémie Bédard-Wien (JBW, c'est plus court), reprend le combat de son prédécesseur, Gabriel Nadeau-Dubois (GND), là où ce dernier l'avait laissé avant les élections du 4 septembre, comme s'il ne s'était rien passé depuis, comme si le mouvement étudiant n'avait pas fait de gains réels.

Pourtant, la hausse du gouvernement Charest a été annulée et les bonifications à l'aide financière, maintenue, du moins pour le moment (et certainement sur la table à des fins de négociation).

L'ASSÉ a tout simplement changé de cheval de bataille et compte maintenant remonter au créneau. Pas sûr que les étudiants suivront, cette fois. En fait, j'ai plutôt l'impression que la nouvelle charge de l'ASSÉ va faire long feu.

Je ne sais pas si JBW et ses amis ont remarqué, mais le climat a passablement changé depuis un an.

Il y a un an, c'est la hausse du gouvernement Charest qui a allumé le feu, mais c'est la grogne envers un régime usé, présumé corrompu et totalement fermé aux revendications étudiantes, qui a alimenté le brasier pendant des mois. Est-il bien nécessaire de rappeler que la situation a changé?

Je ne doute pas du dévouement de JBW et de ses acolytes, mais le nouveau porte-parole de l'ASSÉ n'est pas GND, un gars très charismatique qui ne laissait personne indifférent. En plus, le mouvement étudiant comptait sur un solide trio.

Ce n'est pas non plus la même bataille. La hausse décrétée par le gouvernement Charest était largement dénoncée, même par les partisans d'une augmentation des droits de scolarité, alors que la gratuité scolaire recueille beaucoup moins d'appui au sein de la population, étudiants compris.

Enfin, il ne faut pas minimiser l'impact de la grève de l'an dernier sur le moral des troupes. Les étudiants qui ont dû pédaler pour récupérer leur trimestre écourté n'ont certainement pas envie de remettre ça.

Accidents de parcours

Décidément, le passage à la vie publique n'est pas facile pour Pierre Duchesne.

Après les accusations de manquement à l'éthique, lorsqu'il a quitté Radio-Canada pour le PQ, on apprend maintenant qu'il a été condamné deux fois pour conduite avec facultés affaiblies.

Des histoires vieilles de 20 ans, et qui ne se sont jamais reproduites. Mme Marois a jugé que ces accidents de parcours ne disqualifiaient pas Pierre Duchesne d'un poste au cabinet. Je suis tout à fait d'accord.

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