La meilleure façon de faire oublier les 12 premières années misérables des Blue Jackets de Columbus et la 13e qui ne s'annonce guère mieux aurait été de changer de nom. De créer un nouveau logo. D'adopter un nouvel uniforme, de nouvelles couleurs.

À défaut de pouvoir rebaptiser son club, le président John Davidson l'a confié à un directeur général qui devra lui donner une nouvelle identité.

Méchant contrat!

L'expérience en séries des Blue Jackets se limitant à quatre petites défaites encaissées aux mains des Red Wings de Detroit au printemps 2009, le défi de faire de ce club, qui est l'objet de risée dans la LNH, une organisation gagnante et respectée est vraiment gigantesque.

Pourquoi alors le confier à un DG dont l'embauche a été accueillie comme une autre mauvaise blague par les partisans des Blue Jackets, s'il en reste, et les amateurs de sports de la région de Columbus?

Parce que Jarmo Kekalainen est le meilleur candidat possible pour relever ce défi.

Le nom de famille de Kekalainen évoque plus celui d'un pilote de F1 que d'un homme de hockey? C'est vrai. Et cela s'explique par le fait que ce Finlandais de 46 ans a toujours patiné et travaillé dans l'ombre.

Rares sont les partisans des Bruins de Boston et des Sénateurs d'Ottawa qui se souviennent de l'avoir surveillé - 13 points dont 5 buts en 55 matchs disputés entre 1989 et 1994 - dans l'uniforme de leur club favori. Rares aussi sont les partisans qui se souviennent des nombreux cadeaux qu'il leur a faits à titre de recruteur à Ottawa (de 1995 à 2002) et St. Louis (de 2002 à 2010).

Méconnu du public, reconnu par ses pairs, Kekalainen obtient toutefois un poste qu'il est prêt à assumer depuis des années.

Cinquante-cinq ans après l'entrée de Stan Mikita dans le vestiaire des Blackhawks à Chicago et des séjours pas très concluants d'entraîneurs-chefs venus du Vieux Continent - Ivan Hlinka à Pittsburgh et Alpo Suhonen à Chicago -, le nouveau boss des Blue Jackets devient aussi le premier directeur général européen de l'histoire de la LNH.

Il était temps...

Bâtir en neuf

Plus encore que cette notion historique, les Blue Jackets comptent enfin sur un directeur général.

Après Doug MacLean qui a bâti les Blue Jackets avec des cure-dents et Scott Howson qui n'a pas été en mesure de renforcer la structure, Kekalainen pourra rebâtir. Ou simplement bâtir. Car c'est peut-être ce qu'il aurait de mieux à faire avec les Blue Jackets.

Maître dans l'art de déceler le talent, Kekalainen a orchestré de près ou de loin les sélections hâtives des Chris Phillips, Marian Hossa et Martin Havlat à Ottawa. Il a aussi sorti des surprises avec des Sami Salo (choix de neuvième ronde), Mike Fisher et Chris Neil.

Il a eu son mot à dire dans les sélections des David Backes, T.J. Oshie, David Perron, Alex Pietrangelo et Patrik Berglund qui font les joies des fans des Blues. C'est aussi en sacrifiant certaines de ses sélections comme Lars Eller, Erik Johnson et David Rundblad, que les Blues ont obtenu par le biais de transaction Jaroslav Halak, Kevin Shattenkirk et Vladimir Tarasenko.

Les Blue Jackets comptant sur trois sélections en première ronde l'été prochain - leur sélection, celle des Kings de Los Angeles (Jeff Carter) et des Rangers de New York (Rick Nash) - dans le cadre d'un repêchage qui s'annonce exceptionnel, le nouveau directeur général aura donc l'occasion de donner un sérieux coup de barre dès son entrée en scène.

Repêcher d'abord, diriger ensuite

À St. Louis, Kekalainen travaillait dans l'ombre du directeur général Larry Pleau. Quand John Davidson, alors président des Blues, a décidé de congédier Pleau et de donner le job à Doug Armstrong qui est toujours en poste, Kekalainen a compris. Repêcher des joueurs, c'est une chose. Mais pour obtenir un poste de directeur général, il devait aussi démontrer qu'il pouvait dicter la marche à suivre une fois tous ces joueurs repêchés.

De retour dans sa Finlande natale, Kekalainen a relevé ce défi en faisant du Jokerit un club phare en première division.

«Il était prêt quand j'ai choisi Doug [Armstrong], il y a trois ans à St. Louis. Lorsque j'ai décidé que le temps était venu de donner une nouvelle orientation à Columbus, Jarmo était donc mon seul candidat», a dit John Davidson sur les ondes de Sportsnet hier midi.

Malgré l'embauche de Kekalainen, qui rejoindra sa nouvelle équipe aussitôt les procédures d'immigration achevées, les Blue Jackets sont loin d'être sortis du carré de sable à l'intérieur duquel ils patinent depuis trop longtemps.

À moins d'une surprise, les Jackets devraient encore rater les séries éliminatoires cette année. Il s'agirait d'une 11e exclusion depuis leur entrée dans la LNH en 2000. La saison annulée en 2004-2005 leur a accordé un sursis.

Comment expliquer autant d'insuccès? Simplement par de mauvais repêchages et de mauvaises transactions.

Des 13 premiers choix des Jackets depuis leur entrée dans la LNH, trois seulement - Derick Brassard (2006), John Moore (2009) et Ryan Johansen (2010) - sont toujours avec l'équipe. Boone Jenner (2011) et Ryan Murray (2012) sont promis à de belles carrières.

Les autres ont soit fait patate dans la LNH ou été sacrifiés dans le cadre de transactions loin d'avoir été avantageuses.

Kekalainen profitera de ses premiers mois avec les Jackets pour bien sûr analyser les joueurs. Il étudiera aussi le personnel en place pour l'aider dans sa quête de faire de cette équipe un club gagnant.

Des changements sont évidemment à prévoir. Surtout au niveau des recruteurs. Il sera ensuite intéressant de voir si le nouveau DG et John Davidson, qui a son mot à dire dans toutes les décisions hockey, se tourneront vers un entraîneur-chef d'expérience pour établir des structures solides autour de leur équipe, ou si Kekalainen profitera de sa promotion historique pour amener derrière le banc des entraîneurs méconnus ici, mais avantageusement connus en Europe.