C'est en m'inspirant du Parti québécois (PQ) et de la Coalition avenir Québec (CAQ) que j'ai mentionné dans ma chronique «La Caisse du peuple ou de Québec Inc.?» que le Québec avait notamment perdu le siège social de la forestière Abitibi-Consolidated.

Pour affirmer cela, le PQ et la CAQ se basent sur la fusion en 2007 de la forestière québécoise avec l'américaine Bowater. Ainsi une nouvelle entité a vu le jour, AbitibiBowater Inc.

Quel est le territoire de constitution de ce nouveau géant forestier? L'État du Delaware. «AbitibiBowater est une société américaine qui présente ses résultats conformément aux PCGR des États-Unis...», affirmait-on lors de la fusion.

Même après la restructuration de l'entreprise à la suite de l'approbation du plan d'arrangement financier avec ses créanciers, le Delaware figure toujours comme l'endroit de constitution de la société AbitibiBowater.

Cela dit, l'endroit de constitution de la compagnie n'en fait pas pour autant l'endroit où est implanté son siège social.

Et là-dessus, la haute direction de Produits forestiers Résolu (le nouveau nom de AbitibiBowater) est formelle: le siège social de l'entreprise est demeuré à Montréal même après la fusion entre Abitibi-Consolidated et Bowater. D'ailleurs, lors de la fusion en 2007, l'entreprise «américaine»affirmait bel et bien que «le siège social et les bureaux de direction sont situés à Montréal, au Québec».

Lors du débat des chefs diffusé le 19 août dernier, le chef caquiste, François Legault, avait affirmé que le siège social d'AbitibiBowater avait déménagé ses pénates à l'extérieur du Québec.

Le lendemain, la compagnie a publié un cinglant communiqué.

«Cette affirmation est fausse. Abitibi-Consolidated a installé son siège social à Montréal en 1997. Pendant plus de 13 ans, le siège social a été situé au 1155, rue Metcalfe, à Montréal. Malgré les changements survenus à sa structure au cours des dernières années, le siège social de la Société (AbitibiBowater), maintenant appelée Produits forestiers Résolu, est situé dans la Cité du multimédia au 111, rue Duke, à Montréal.»

«Le siège social de Résolu compte plus de 350 employés. La haute direction de la Société, menée par président et chef de la direction Richard Garneau, est entièrement composée de Québécoises et de Québécois. De plus, avec le récent déménagement du siège social vers la Cité du multimédia, un bureau administratif situé aux États-Unis a été fermé et quelques 35 emplois ont été rapatriés à Montréal.»

Du côté du Parti québécois, on a commis la même «fausseté». Dans un communiqué (31 juillet) relatant la position du PQ dans la tentative d'acquisition de Rona par Lowe's, le député et porte-parole de l'opposition en matière économique et de finances, Nicolas Marceau (le futur ministre des Finances?), rappelait que plusieurs sièges sociaux avaient quitté le Québec au cours des 10 dernières années, dont celui de la forestière Abitibi-Consolidated.

À la décharge du PQ, de la CAQ et de tous ceux qui croyaient avoir perdu le siège social de la forestière Abitibi-Consolidated lors de sa fusion en 2007 avec Bowater, il faut dire que l'entreprise n'aide pas sa cause...

Non seulement est-elle américaine, mais en plus elle a tenu le 23 mai dernier son assemblée annuelle au Hilton Charlotte Center, à Charlotte, en Caroline-du-Nord.

Quels sont les principaux actionnaires de la forestière, avec leurs blocs d'actions? Réponse du porte-parole de Résolu, Pierre Choquette:

- Fairfax Financial Holdings Limited, de Toronto: 18,0%

- Steelhead Partners, de Washington: 13,1%

- Foyston, Gordon and Payne, de Toronto: 6,3%

- Donald Smith&Co., de New York: 6,2%

Aucun actionnaire québécois d'importance ne figure dans le portrait.

Mais nos institutions québécoises gouvernementales sont-elles financièrement impliquées dans l'entreprise et si oui de quelle façon? Réponse de M. Choquette: «Avec l'acquisition de Fibrek, l'organisation détient toujours un prêt d'Investissement Québec de près de 4 millions de dollars.» Point à la ligne.

Résolu se définit comme étant un chef de file mondial de l'industrie des produits forestiers. La Société exploite 21 usines de pâtes et papiers et 23 usines de produits du bois aux États-Unis, au Canada et en Corée du Sud. Et elle commercialise ses produits dans près de 90 pays.

Question: au lieu de chialer contre le départ des sièges sociaux, ne faudrait-il pas commencer par s'impliquer financièrement?