Le cinéaste, écrivain et intellectuel de gauche Bernard Émond, qu'on imaginait bien voter pour Québec solidaire, en fait qu'on n'imaginait pas voter pour autre chose que Québec solidaire, nous dit dans Le Devoir de je ne sais plus quand qu'il faut voter utile, qu'il faut voter PQ.

J'ai beaucoup d'amis comme lui. Même ma petite-fille Louise, 11 ans et demi, me disait hier: grand-papa, il faut que tu votes utile...

Elle habite à deux pas du local de Françoise David, ça fait qu'hier on est entrés pour saluer Françoise, qui incidemment n'était pas là, et c'est en sortant, après un petit moment, que Louise m'a dit gravement:

Grand papa, il faut que tu votes utile.

Qu'est-ce que ça veut dire, utile?

Ben il faut que tu votes pour que Charest débarque. Elle m'a expliqué que si je votais pour Amir Khadir, mon vote serait perdu et Charest resterait là, et faut surtout pas que Charest reste là. Tu comprends?

Oui, chérie, je comprends.

Je ne le lui ai pas dit pour ne pas lui faire de peine: je ne voterai pas utile. Mais je vais le dire ici à Bernard Émond, tant pis si ça lui fait de la peine.

Je ne voterai pas utile parce que, précisément, votre texte, M. Émond. Pas celui du Devoir où vous nous appelez à voter pour le PQ, celui paru dans la revue Relations en septembre 2009 et repris dans Il y a trop d'Images. Ça commence comme ça:

«Nous vaincrons! Ces mots ont enflammé ma jeunesse. À 57 ans, après avoir vu reculer pendant toute ma vie les causes de l'indépendance, du socialisme, d'une culture nationale forte et partagée, je sais au plus profond de mon être que nous ne vaincrons pas. Mais en même temps, je n'ai jamais été plus convaincu de la nécessité de la résistance.»

J'adhère à chacun de vos mots, M. Émond, je n'ai pas eu à les chercher loin, quand je suis tombé dessus la première fois je les ai écrits sur une feuille de carnet que j'ai épinglée sur mon babillard à côté de la photo de mes chats, de mes enfants tout petits et de quelques amis morts.

Comme vous, M. Émond, je n'ai jamais été plus convaincu de la nécessité de la résistance. C'est pourquoi je vais voter pour la résistance.

POUR RASSURER MONSIEUR LE MAIRE - Parlant du crucifix à l'Assemblée nationale, Mme Benhabib dit que ce n'est vraiment pas sa priorité de le décrocher, ce qui la préoccupe, c'est même le contraire: le fait que certains insistent pour retirer les symboles de la majorité, alors qu'on permettrait des symboles des minorités religieuses.

Elle dit exactement ce que vous voulez entendre, monsieur le maire de Chicoutimi. Qu'est-ce qui vous a pris de grimper dans les rideaux? C'est parce qu'elle s'appelle Benhabib? C'est pas de sa faute, elle est même pas vraiment arabe, sa mère est grecque et elle est née au Luxembourg, là là, c'est mieux comme ça, monsieur le maire?

Vous aimeriez aussi ses deux livres, Les soldats d'Allah à l'assaut de l'Occident, et le précédent Ma vie à contre-Coran. Elle y dénonce notamment avec virulence les concessions religieuses faites par une société québécoise molle et naïve, oui oui, molle et naïve, je savais que vous apprécieriez, monsieur le maire, les concessions d'une société molle et naïve à des réseaux islamistes minoritaires, à commencer par le voile, les salles de prières dans les établissements scolaires, le refus de la mixité, etc..

Pour ce qui de la laïcité pure et dure de Mme Benhabib, faut pas vous en faire avec ça, c'est de l'histoire ancienne, c'était avant de devenir candidate du PQ. Et la laïcité au PQ, monsieur le maire, vous auriez tort de vous en inquiéter, c'est une farce, une Charte dont on n'appliquera pas les règles avant des années, allez allez, monsieur le maire, votre crucifix est bien accroché.

UNE AUTRE COMPOSANTE DE LA DÉMOCRATIE - Et dans votre belle circonscription de Brome-Missisquoi, monsieur le chroniqueur?

Rien à signaler, mon ami. Il faudra tout un tsunami de la CAQ pour déloger mon député, le libéral Pierre Paradis, réélu sans interruption depuis 1980. Aux élections de 2008, Paradis,

15 000 voix, le péquiste, le même qui se représente cette fois, 8000. L'ADQ avait ramassé 5000, pour le suspense on repassera.

C'est une circonscription qui compte 20% d'anglophones, reste qu'au fédéral Brome-Missisquoi a élu un NPD comme tout le monde la dernière fois et avait élu un candidat du Bloc les deux fois d'avant. Le plus drôle, c'est que le candidat libéral battu au fédéral, c'est Denis Paradis, le frère de Pierre. En fait, le plus drôle, c'est que j'ai l'impression que si Pierre Paradis se présentait au fédéral à la place de son frère, il serait élu à chaque fois.

Le super député, très près de ses gens?

Il l'a été, mais j'entends qu'on le voit moins dans la circonscription qu'on l'a déjà vu.

Alors?

Alors les gens l'aiment, c'est tout. Parfois, j'imagine, plus souvent à la campagne qu'en ville, parfois, au-dessus de la droite et de la gauche, au-dessus des grands thèmes, y'a ça: les gens t'aiment et votent pour toi.

La sympathie serait une composante de la démocratie? Pourquoi pas. J'ayiiis juste un de ses chiens qui me court après quand je passe à vélo, je vous avertis, monsieur le député, un jour je vais le mordre, votre crétin de cabot.