Le 29 août 1961, il y a 50 ans de cela, j'entrais sur le marché du travail à temps plein. Cinquante ans, dont 45 comme journaliste, dont 32 à La Presse. Dieu, que cela a passé vite...

Le temps est venu de prendre ma retraite. Ceci est ma dernière chronique (non, je ne m'en vais pas chez Quebecor).

Pendant toutes ces années, chers lecteurs, vous m'avez envoyé des milliers de lettres. Vos suggestions et vos questions m'ont aidé à trouver d'excellents sujets de chroniques. Vos commentaires m'ont permis de bien saisir vos réactions. Surtout, vos nombreux encouragements m'ont apporté un précieux réconfort dans les moments difficiles. Il m'est souvent arrivé de ramer à contre courant de certains lobbies; à chaque fois, vos messages m'ont convaincu que j'exprimais les mêmes sentiments que la vaste majorité d'entre vous. Évidemment, j'ai aussi reçu des lettres d'insultes, mais j'aime autant dire à leurs auteurs qu'ils se sont donné du mal pour rien : ce genre de torchon prend directement le chemin de la poubelle.

Je me considère privilégié d'avoir assisté aux premières loges, pendant près d'un demi-siècle, à l'évolution du grand métier de journaliste et à l'amélioration de la culture économique et financière des Québécois.

Le métier a été prodigieusement transformé par l'avènement des nouvelles technologies. En 1966, lorsque j'ai commencé à travailler dans les hebdos régionaux, il n'y avait ni calculette, ni répondeur, ni afficheur, ni cellulaire, ni télécopieur (j'ai même assisté à la naissance et à la disparition du bélinographe, lointain ancêtre du télécopieur), ni ordinateur, ni Internet, ni médias sociaux. À l'heure de tombée, alors que tous les journalistes tapochaient en même temps leurs antiques Remington et Underwood, il régnait un tapage infernal dans les salles de rédaction. Et tout le monde fumait là-dedans! En reportage à l'extérieur, nous devions travailler avec le bon vieux dictaphone (que mes jeunes collègues d'aujourd'hui mettent à peu près sur un pied d'égalité avec les brontosaures).

Aujourd'hui, je n'en reviens pas de voir tous les instruments qui nous permettent de faire un travail cent fois plus efficace qu'il y a quelques décennies.

C'est beaucoup plus qu'une question d'innovation. Deux choses ont fortement contribué à améliorer de façon spectaculaire la qualité de l'information. La première, c'est la formation des jeunes journalistes, infiniment supérieure à celle des années 1960. La deuxième, c'est l'avènement des nouvelles technologies.

Une autre chose qui a changé pour le mieux: le niveau de culture économique et financière des Québécois. C'est dans le domaine des finances personnelles que les progrès ont été les plus spectaculaires. Il y a 50 ans, peu de Québécois pensaient épargner en vue de leur retraite; encore moins étaient propriétaires, et même ceux-là ne savaient pas comment négocier une hypothèque; et encore moins connaissaient l'ABC du placement. Que de changements depuis!

D'après vos nombreuses questions, non seulement en quantité mais de plus en plus fréquemment en qualité, j'ai pu voir à quel point vous vous intéressez de plus en plus aux finances publiques, à la conjoncture économique, au marché du travail, au commerce international, aux marchés financiers, aux progrès technologiques, aux gains de productivité, à l'économie internationale. Bravo à vous tous, chers lecteurs.

Il me tient aussi à coeur d'avoir un bon mot pour les collègues avec qui j'ai travaillé, dans les hebdos régionaux, dans les magazines spécialisés, au Droit, au défunt Montréal-Matin, à La Presse, au réseau TVA, à CKAC, à Télé-Québec, au Conseil national de la statistique et ailleurs. Je ne peux pas tous les mentionner, il y en des centaines. Mais une quarantaine de noms ressortent, ceux qui, par leurs conseils, leurs encouragements, leur compréhension, par la confiance qu'ils m'ont accordée, ont eu un impact certain sur ma vie professionnelle. Quelques-uns sont décédés; que cela ne m'empêche pas de rendre hommage à leur mémoire.

Un grand coup de chapeau donc à Louis-Paul Allard, Pierre Allard, Pierre Arcand, Jacques Benoit, Louis Berlinguet, Lisa Binsse, Suzanne Blanchette, Michèle Boisvert, Réjean Bourdeau, Odette Bourdon, Philippe Cantin, Jean-Louis Chevalier, Guy Crevier, Jean de Guise, Jean-Louis de Léséluc, Jacques Déry, Marcel Desjardins, Alain Dubuc, Philippe Dubuisson, Jean-V. Dufresne, Ivan P. Fellegi, Pierre-Paul Gagné, Pierre Gobeil, Jean-Guy Gougeon, Lucie Goupil, Jacques Hébert, Roger-D. Landry, Stéphane Lavallée, Rudy Le Cours, Lise LeBel, Marjolaine Lord, Claude Masson, Jacques Mathieu, Jacques Moisan, Guy Mongrain, Lisa Petrucci, Françoise Pitt, Jacques Proulx, Carmelle Rousseau, Mike Sheridan, Jean Sisto, Tom Symmons, Marcel Tessier, Marc Tison, Michel-G. Tremblay, Miville Tremblay, Éric Trottier. Mille excuses à tous les autres que j'aurais aimé inclure dans cette liste.

Il est enfin une personne sans qui je n'aurais jamais pu faire une aussi riche carrière. Gisèle Léger, ma conjointe, mon amoureuse, mon amie, ma complice depuis 42 ans. Gisèle, fidèle lectrice (et commentatrice inspirée) de ma chronique, qui m'a toujours prodigué généreusement ses encouragements. Qui, malgré une vie professionnelle exigeante, a toujours trouvé le temps de s'occuper des tâches domestiques pendant que je m'occupais de ma carrière. Qui a pris sa retraite depuis bientôt neuf ans, et n'a jamais demandé une seule fois que je cesse de pratiquer ce métier que j'ai tant adoré pendant toutes ces années. Gisèle, une nouvelle page de vie s'ouvre pour nous deux.

Longue vie à l'information économique et financière! 

Longue vie à La Presse, à ses artisans et à ses lecteurs!