Bob Gainey m'a beaucoup impressionné hier. Il aurait pu tenter d'imiter certains de ses prédécesseurs et nier l'évidence. Au contraire, il a entrepris sa première réponse concernant les frères Sergei et Andrei Kostitsyn en disant qu'il était très inquiet par ce qu'il avait appris en lisant La Presse hier matin. Mais à une autre occasion, il a aussi dit qu'il avait appris certaines «vérités» plus tôt cette semaine.

On le sait, Jean Perron, alerté par des policiers, avait prévenu Bob Gainey que des joueurs du Canadien avaient largement dépassé la traditionnelle beuverie. Perron a nommé Chris Higgins et Carey Price en plus du plus jeune des Kostitsyn.

Gainey aurait pu tenter de noyer le poisson, fort qu'il est de l'appui inconditionnel de centaines de milliers de fans. Il a préféré souligner que ces écarts graves de conduite ne reflètent ni l'équipe ni l'organisation. Mes confrères ont couvert les conférences de presse.

Guy Carbonneau a abondé dans le même sens que son ami et patron. Et lui aussi mérite notre respect. Prendre ses responsabilités demande du courage.

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Jeudi, on a frôlé l'hystérie dans certains médias. Jacques Demers à RDS-CH implorait Jean Béliveau devant le scandale qui allait ébranler les colonnes du temple.

En apparence, la bombe publiée par La Presse a pu «décevoir» certains profanes de l'information. Mais pour les dirigeants du Canadien et ceux de la Ligue nationale, elle ne laissait pas de place au doute. Ça veut dire qu'un individu identifié au crime organisé, aux bandes de rues et aux Hells, était à une personne près d'entrer dans le vestiaire du Canadien. S'il ne l'a pas déjà fait.

Les propriétaires des équipes professionnelles sont terrorisés par les infiltrations du crime organisé. Il y a deux ou trois ans, un arbitre de la NBA s'est fait prendre à arranger un match des séries éliminatoires; des joueurs de tennis plus tôt cette saison ont été pris à parier sur les résultats des matchs; un arbitre de soccer en première division en Europe a été pris pour avoir tenté d'arranger un match.

Et la liste pourrait s'allonger indéfiniment en incluant les liens entre Frank Cotroni et la famille Hilton et la visite de José Théodore dans un local des Hells.

Par ailleurs, Sergei Kostitsyn avait tellement confiance en Pasquale Mangiola que ce dernier avait des relevés de ses cartes de crédit et des documents financiers du Canadien de Montréal.

Dans la fiction, une des bonnes façons de payer ses achats de dope est de donner une carte de crédit à un pusher. Ce dernier peut ainsi s'acheter un complet Armani, sortir dans les plus grands restaurants avec une couple de pitounes et payer quelques dépenses juteuses avec la carte. À la fin, on fait les comptes et c'est le propre comptable du joueur qui paye le solde de la carte. Ni vu ni connu, pas d'échange d'argent, rien. On peut s'envoyer des milliers de dollars dans le nez et ça ne paraît nulle part.

Mais c'est dans la fiction, évidemment. Et il ne faudrait pas imaginer semblables trucs de blanchiment sans avoir des preuves béton. Comme tous les témoignages et les vidéos qu'on nous a fait parvenir montrant deux autres joueurs nommés par Jean Perron en train de soigner leurs allergies, relèvent de la fiction. Tout ça, c'est bon pour Lance et Compte. C'est de l'imaginaire, ça n'a rien à voir avec la réalité. Il faut qu'on vous rassure.

Hier, La Presse s'est limitée à faire son travail. D'une façon extrêmement professionnelle. Je peux vous dire que les confrères qui paniquaient, en pleine télé ou à la radio, avaient raison de le faire. Parce qu'eux, ils savaient tout ce qui courait en ville comme informations.

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Par ailleurs, ce qui s'est passé cette semaine est une chance inespérée pour Guy Carbonneau et Bob Gainey. C'est l'occasion rêvée pour raffermir l'esprit d'équipe et pour reprendre le contrôle du vestiaire. Il n'y a rien de plus puissant que le syndrome «eux contre nous». Scotty Bowman a gagné plusieurs fois la Coupe Stanley en utilisant ce vieux truc. Comme Wayne Gretzky à Salt Lake City après la défaite contre la Suède. Le reste du monde contre le Canada. Cette fois, c'est les médias, la police et la mafia contre le Canadien. Carbo va pouvoir serrer la vis et il en est capable. Les joueurs n'auront pas le choix. Ils devront se défoncer. Pendant ce temps, Bob Gainey va faire un grand ménage. Pas nécessairement en échangeant des joueurs, mais en conscientisant toute l'organisation et tous ceux qui entourent les joueurs des dangers qui guettent vos favoris et vos chouchous.

Ils ont en main tout ce qu'il faut pour participer aux séries éliminatoires. C'est bien pour dire, c'est La Presse qui pourrait avoir contribué le plus à une relance.

C'est comme ça qu'on se trompe dans une prédiction.