Jean Pelletier n'est plus. Homme droit, dévoué au service public, travailleur acharné, il ne méritait pas le calvaire qu'on lui a infligé au cours des cinq années qui ont précédé son décès.

L'ancien maire de Québec et chef de cabinet de Jean Chrétien avait de grandes qualités, comme l'illustrent les témoignages rendus depuis l'annonce de son décès. Il est vrai que certains le trouvaient trop direct, arrogant même. Cela faisait partie du personnage. Mais personne ne mettait en doute sa rigueur, son honnêteté, son abnégation.

Le gouvernement de Paul Martin a commis une injustice en le congédiant précipitamment de la présidence du conseil de VIA Rail à la suite de propos malheureux qu'il avait tenus au sujet de la championne olympique Myriam Bédard. Non seulement l'a-t-on mis à la porte mais, ce faisant, le gouvernement a donné aux accusations de Mme Bédard une crédibilité qu'elles ne méritaient pas. M. Pelletier se voyait ainsi, sans justification aucune, associé aux comportements les plus vils du scandale des commandites. De plus, on l'a traité cavalièrement, ne l'informant pas du sort qui l'attendait et lui faisant part de son congédiement par télécopieur. Un arbitre indépendant, appelé à se pencher sur les allégations de Myriam Bédard, parlera de «tragédie».

Néanmoins, lorsque la Cour fédérale a annulé ce congédiement, le gouvernement Martin a tout simplement congédié M. Pelletier une seconde fois, invoquant de nouveaux motifs.

Jean Pelletier s'est prestement excusé pour ce qu'il a dit à propos de Mme Bédard. Qui s'est excusé auprès de lui pour le traitement bien plus dommageable qu'on lui a fait subir?

À l'issue de son enquête sur les commandites, le juge John Gomery a blâmé M. Pelletier pour avoir mis sur pied ce programme sans prendre «les précautions les plus élémentaires contre les risques de mauvaise gestion». Selon le juge, M. Pelletier n'aurait pas dû supposer que le fonctionnaire responsable, Charles Guité, gérerait le programme de façon compétente et honnête. Voilà un bel exemple de sagesse rétrospective!

Un passage du rapport n'a pas suffisamment retenu l'attention. Il est pourtant d'une grande importance en ce qui a trait au rôle du chef de cabinet du premier ministre dans cette triste affaire : « Rien ne prouve ni même n'indique que M. Pelletier ait participé, d'une façon quelconque, au système de pots-de-vin instauré par M. Corriveau, ni qu'il ait été au courant de son existence (...). » Autrement dit, au pire, on pourrait reprocher à M. Pelletier d'avoir commis des erreurs. Or, commettre des erreurs, ce n'est pas matière à scandale. Ce n'est pas matière, non plus, à se faire insulter dans la rue, comme cela lui est arrivé.

Quoi qu'il en soit, dans un jugement rendu l'été dernier, la Cour fédérale a annulé les conclusions du juge Gomery relatives à M. Pelletier, estimant que le magistrat «n'a pas été impartial» à son endroit. Ne tenant aucun compte de l'état de santé précaire de M. Pelletier et des injustices déjà commises à son endroit, le gouvernement a interjeté appel.

M. Pelletier est maintenant mort. Le gouvernement Harper, s'il est capable de quelque décence, devrait laisser tomber cet appel. Ainsi, la réputation de Jean Pelletier redeviendra ce qu'elle aurait toujours dû être : sans tache.