L’état de confusion dans lequel se retrouvent nombre de citoyens aux prises avec une mer d’informations difficiles à valider représente une occasion en or pour des dirigeants populistes qui promettent de se poser en défenseurs du « peuple » face à des menaces réelles ou imaginées.

« Dans des temps d’incertitude, une large part des citoyens va trouver refuge dans l’autorité, dans la “loi et l’ordre” et rechercher “l’homme fort” capable de les rassurer. Le populisme sert de refuge face à la complexité du monde », écrit Serge Cabana, chargé de cours en communications rattaché à l’Université de Sherbrooke.

Hannah Arendt, dans Les origines du totalitarisme, relevait que le sujet idéal pour un régime autoritaire « n’est pas le nazi convaincu ni le communiste convaincu », mais les gens pour qui la différence entre « fait et fiction » et « vrai et faux » n’existe plus.

Lilian Negura, de l’Université d’Ottawa, rappelle que l’accès à l’internet était initialement porteur de grands espoirs sur ce plan puisqu’on pensait qu’une sorte d’âge d’or découlerait de l’accès illimité à l’information.

L’élimination du filtre exercé notamment par les médias traditionnels, encadrés par des règles éthiques, a favorisé une « infodémie » menaçant la démocratie, relève le chercheur, qui voit les dirigeants populistes comme des « opportunistes » capables, volontairement ou instinctivement, « d’instrumentaliser la réalité ».

Ce sont des gens qui savent manipuler l’opinion publique.

Lilian Negura, professeur à la faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa

« Ils ont très confiance en eux, souligne Lilian Negura, et projettent ce sentiment de confiance d’une manière qui est rassurante », y compris pour des personnes susceptibles de faire les frais de leurs décisions futures.

« Si vous cherchez la logique dans ce processus, vous n’allez pas la trouver », prévient le professeur.

Les réseaux sociaux, qui peuvent permettre de moduler le message envoyé aux utilisateurs en fonction de leurs caractéristiques propres, facilitent l’exploitation des sentiments de détresse et de colère suscités notamment par la confusion ou la marginalisation économique.

Dans un ouvrage intitulé Les ingénieurs du chaos, l’auteur Giuliano da Empoli note qu’un parti ou un dirigeant habile peut réussir à se faire élire en réunissant des gens de profils très variables.

« Dans le nouveau monde, la politique devient donc centrifuge. Il ne s’agit plus de réunir les électeurs autour du plus petit dénominateur commun, mais au contraire d’enflammer les passions du plus grand nombre de groupuscules possible pour ensuite les additionner – même à leur insu », écrit-il.