Qu’est-ce qui pousse les gens à dire non aux vaccins ? Au moment où la rougeole fait un retour au Québec, l’anthropologue Ève Dubé propose différentes sources pour comprendre le phénomène de la fatigue vaccinale, qui s’est manifesté après la pandémie et ses nombreuses doses de rappel.

Vous avez dit « fatigue vaccinale » ?

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Des doses de vaccin contre la COVID

Qu’est-ce que la fatigue vaccinale ? « C’est un concept relativement nouveau en science », souligne Ève Dubé, professeure à l’Université Laval, qui s’intéresse aux dimensions sociales, culturelles, historiques et religieuses de la prévention des maladies infectieuses.

« C’est cette idée qu’après un certain nombre de doses de rappel, quand on n’est pas dans une logique de vaccination annuelle, comme la grippe, les gens se désengagent de la vaccination », précise-t-elle.

Plusieurs facteurs sont en cause : la saturation de l’information, la désinformation, la méfiance envers les autorités de santé publique et les gouvernements, la lassitude et la perception d’un faible risque personnel de contracter la maladie.

« Quand je pense à la fatigue vaccinale, je ne pense pas aux jeunes, je pense à ma mère qui a eu cinq doses et trois fois la COVID, et qui dit, moi, c’est fini, je débarque de votre affaire parce que ça ne donne rien ! », explique Ève Dubé.

Pour en savoir plus, Mme Dubé propose de consulter une étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur l’acceptabilité d’une dose de rappel de vaccin contre la COVID-19.

Consultez l’étude de l’INSPQ Consultez une liste de ressources sur la vaccination au Québec

La pandémie et les autres vaccins

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Dans un point de presse au début du mois de mars, le directeur national de santé publique, Luc Boileau, s’est inquiété du faible taux de couverture vaccinale contre la rougeole dans des écoles de Montréal, notamment.

La fatigue vaccinale dans la foulée de la pandémie de COVID a-t-elle un impact sur d’autres campagnes de vaccination ?

« C’est la question qu’on se pose et pour laquelle on n’a pas toujours la réponse parce qu’on n’a pas de programme de vaccination annuelle contre la COVID », indique Ève Dubé.

Pour la COVID, « on est encore une situation avec des doses qui sont recommandées chez certaines personnes. Mais il semble y avoir des enjeux de confiance ébranlée par rapport à la vaccination en général. Une plus grande polarisation, aussi. Des gens qui étaient contre sont devenus très contre. Donc, il semble que la COVID a eu un impact. Est-ce que ça va avoir un impact chez les personnes de 50 ans et plus pour qui on recommande certains vaccins : zona, grippe, pneumocoque ? Est-ce que ces gens-là vont aussi se désengager de ces vaccins-là ? On est toujours en train d’étudier la question. »

L’Agence Science-Presse, un média scientifique indépendant fondé à Montréal en 1978, compte plusieurs articles sur les vaccins, dont un qui s’intéresse au problème des non-vaccinés pour la rougeole.

Consultez les articles consacrés aux vaccins par l’Agence Science-Presse Lisez l’article « Rougeole : le problème des non-vaccinés »

La science des vaccins expliquée

PHOTO VADIM GHIRDA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Campagne de vaccination à Bucarest, en Roumanie, en mars 2021

« Il faut distinguer l’hésitation à la vaccination du concept de fatigue vaccinale, qu’on voit chez des gens qui ont relativement confiance dans les vaccins, qui ont eu deux, trois doses de vaccin contre la COVID, et qui disent : je suis tanné de la vaccination, je n’ai plus le goût d’en entendre parler, rappelle Ève Dubé. Ce sont deux choses différentes. »

Pour approfondir la question, l’anthropologue suggère de regarder le documentaire de Sonya Pemberton, Jabbed : Love, Fear and Vaccines (Amour, peur et vaccins, en français), qui s’adresse aux parents inquiets. Celui-ci passe en revue la science en utilisant les nouvelles découvertes médicales pour déconstruire et expliquer les cas d’effets secondaires présumés des vaccins. Le film est offert à la location en ligne.

Le magazine Naître et grandir a aussi réalisé un dossier pour mieux comprendre l’hésitation à la vaccination, qui brosse le portrait de la situation au Québec et offre des réponses aux questions de parents sur les vaccins.

Consultez la fiche du film Jabbed : Love, Fear and Vaccines sur le site de sa maison de production (en anglais) Consultez le dossier « Mieux comprendre l’hésitation à la vaccination » de Naître et grandir

Une bédé contre la désinformation

IMAGE TIRÉE DE LA BANDE DESSINÉE CINQ OPINIONS MAL INFORMÉES AU SUJET DES VACCINS

Oliver Bernard, connu comme le Pharmachien, a réalisé une bande dessinée en ligne pour lutter contre la désinformation au sujet des vaccins.

À lire, aussi, pour lutter contre la désinformation au sujet des vaccins, la bande dessinée en ligne réalisée par le Pharmachien, Cinq opinions mal informées au sujet des vaccins.

« Tu as probablement entendu parler des vedettes d’Hollywood qui militent contre la vaccination aux États-Unis, écrit l’auteur, Olivier Bernard. Elles ne sont pas les seules. Partout à travers la planète, des dizaines de milliers de personnes s’opposent aux vaccins. Plusieurs d’entre elles sont intelligentes, très éduquées et connaissent le sujet sur le bout de leurs doigts. Certaines d’entre elles sont des professionnelles de la santé, dont des médecins ! »

Parmi ces « opinions mal informées », on retrouve : « Les vaccins affaiblissent le système immunitaire ! », « Les vaccins sont mis sur le marché avant même de savoir s’ils sont sécuritaires ! » ou encore « Les vaccins sont une invention de l’industrie pharmaceutique pour faire de l’argent ! ».

Consultez la bande dessinée Cinq opinions mal informées au sujet des vaccins

Qui est Ève Dubé ?

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Ève Dubé est professeure d’anthropologie à l’Université Laval.

  • Professeure d’anthropologie à l’Université Laval, Ève Dubé est aussi titulaire de la Chaire de recherche en santé publique appliquée sur l’anthropologie des enjeux de la vaccination, financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.
  • Elle est membre de l’Axe de recherche maladies infectieuses et immunitaires du Centre de recherche du CHU de Québec et chercheuse à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
  • Depuis 2014, elle dirige le réseau de recherches en sciences humaines et sociales du Canadian Immunization Research Network.