On a beaucoup parlé de deux enseignants qui ont agressé verbalement leurs élèves au cours des derniers jours.

On a aussi discuté de la fatigue généralisée et de l’épuisement du personnel enseignant.

Soyons clairs : il n’y a aucune raison qui justifie l’abus verbal à l’école. Quand on est fatigué, qu’on est au bout du rouleau, on se retire, on ne hurle pas à la tête des enfants ou des adolescents. Et quand un établissement scolaire est informé d’un tel comportement de la part d’un de ses employés, il devrait intervenir sur-le-champ.

Cela étant dit, il faut parler de fatigue et d’épuisement.

Dans l’ensemble, les enseignants ne vont pas bien. Non seulement ils quittent le métier en grand nombre, mais ils sont épuisés.

Notre collègue Louise Leduc rapportait jeudi que le taux d’absentéisme pour cause de maladie est à un sommet depuis 10 ans. Les invalidités de « nature psychique » sont en hausse et comptent pour plus de la moitié (57,14 %) des absences, selon des données fournies par la Fédération des centres de services scolaires du Québec.

La pandémie a aggravé une situation qui était déjà problématique.

Car l’épuisement des enseignants ne date pas d’hier. En 2010, par exemple, une étude de l’École nationale d’administration publique (ENAP) révélait que 60 % d’entre eux ressentaient des symptômes d’épuisement professionnel au moins une fois par mois. Leur état s’est dégradé au cours des années qui ont suivi.

Les enseignants sont loin d’être les seuls qui sont « à boutte ».

On peut presque copier-coller leur situation pour parler du milieu de la santé. Là aussi, on ne compte plus les statistiques effarantes sur la condition générale du personnel.

Avant la pandémie, la moitié environ se sentait déjà débordée. C’est encore pire aujourd’hui.

La réalité c’est que cet état d’épuisement généralisé s’observe désormais dans presque tous les milieux de travail : vétérinaires, propriétaires d’entreprises, agriculteurs, service à la clientèle… tout le monde est au bout du rouleau. Et ironiquement, ceux qui pourraient leur venir en aide, les responsables des ressources humaines, seraient les plus susceptibles de quitter leur emploi pour cause d’épuisement professionnel au cours des 12 prochains mois selon un sondage réalisé auprès de 1300 travailleurs en mars dernier1.

Une autre étude, menée par le Future Forum et rendue publique en février dernier, indique que l’épuisement professionnel en lien avec le stress au travail a atteint un niveau record depuis deux ans. Plus du tiers (40 %) des 10 243 employés de bureau à temps plein sondés dans six pays, dont les États-Unis, ont dit ressentir de la fatigue et de l’épuisement, en plus de percevoir négativement leur travail.

Graham Lowe, professeur émérite de l’Université de l’Alberta et observateur du monde du travail depuis des décennies, affirmait récemment dans une publication n’avoir jamais vu un tel niveau de questionnement sur le sens du travail. Avec pour résultat des remises en question profondes et des départs massifs.

C’est comme si durant la pandémie la roue du hamster avait suffisamment ralenti pour que le hamster se demande pourquoi il tournait ainsi.

Résultat : le bien-être est devenu la priorité numéro un des travailleurs, selon la publication Forbes. On donne l’exemple de Delta Airlines qui nommait récemment un responsable du bien-être au sein de son organisation pour mieux accompagner les employés.

Plusieurs grandes entreprises ont entamé une réflexion à propos de la santé mentale de leur personnel et réfléchissent à des mesures (plus grande flexibilité, meilleurs outils technologiques, conciliation vie personnelle-vie professionnelle) pour améliorer leur niveau de bien-être. La santé mentale au travail était également à l’agenda du Forum économique mondial, à Davos, en janvier dernier. Le message était clair : les gestionnaires doivent faire du bien-être de leurs employés une priorité.

La génération qui travaillait en courbant l’échine est partie à la retraite. Les baby-boomers s’en vont la rejoindre, et seront suivis de près par les travailleurs de la génération X. Les nouvelles générations, Y et Z, sont beaucoup plus sensibles que leurs aînés à tout ce qui touche leur bien-être personnel et professionnel. Ils risquent de transformer le monde du travail. Pour le mieux.

Consultez l’étude The 2023 Future of Working and Learning Report (en anglais)