En France, la Loire est à sec. À Londres, la pelouse de Hyde Park est jaune et sèche comme du foin. En Roumanie, on rationne l’eau. En Italie, on a décrété l’état d’urgence.

« Réveillons-nous », a lancé récemment Gavin Newsom, gouverneur de la Californie, un État qui se bat contre la sécheresse depuis 20 ans. On estime que 10 % de ses réserves d’eau auront disparu d’ici 2040. Même les pays qui n’avaient jamais connu de pénurie d’eau doivent désormais s’adapter à des périodes de sécheresse de plus en plus longues et fréquentes.

Et chez nous ?

Avec nos milliers de lacs, nos rivières et notre fleuve majestueux, nous pouvons à peine imaginer manquer d’eau un jour. Et pourtant…

Un rapport sur l’impact des changements climatiques au pays remet les pendules à l’heure : nos réserves d’eau ne sont pas sans fond. Dans cette étude, les chercheurs du consortium en climatologie Ouranos consacrent toute une section à l’enjeu de l’eau. On y apprend que le Québec aussi est vulnérable1.

Les lacs et les rivières du Québec, de même que le fleuve Saint-Laurent, seront touchés par les changements climatiques, qui modifieront les niveaux d’eau, les risques d’inondation, ainsi que la disponibilité et la qualité de l’eau.

Extrait de l’étude du consortium Ouranos

En fait, les pénuries d’eau ont déjà commencé dans la province.

Au printemps dernier, La Presse rapportait les problèmes de certaines villes de l’Estrie, comme Sutton et Bolton-Ouest, où l’accès à l’eau potable était problématique2.

Ces villes nous envoient un message : il est grand temps de revoir nos habitudes de consommation d’eau. Et de mieux protéger nos réserves.

Permettra-t-on encore longtemps l’arrosage des terrains de golf ? En France, cette question fait débat. Les municipalités qui craignent pour l’accès à l’eau devront-elles interdire la construction de piscines creusées et autres équipements aquatiques qui consomment beaucoup d’eau ? La question se pose.

Ce qui nous semblait autrefois anodin est devenu problématique. L’eau qu’on laisse couler sans compter devrait être considérée comme un bien rare et précieux qu’il faut consommer avec discernement.

Plusieurs municipalités encadrent déjà sévèrement l’arrosage et la consommation d’eau : arrosage de surfaces en asphalte et en briques interdit (fini le temps où on arrosait son asphalte les jours de canicule), arrosage des pelouses permise quelques heures par semaine seulement, etc. Certaines villes offrent également des incitatifs pour l’achat d’une toilette à débit léger ou distribuent des barils pour récupérer l’eau de pluie.

Ce sont des gestes qui peuvent faire une différence.

Mais la vraie différence, c’est le ministre de l’Environnement qui peut la faire.

Le plan d’action qui accompagne la Stratégie québécoise de l’eau arrive à échéance en 2023. Le prochain devra avoir plus de mordant.

D’abord, il faut accélérer l’entretien de nos infrastructures. En 2021, la Ville de Montréal a réhabilité 25 km de conduites d’eau potable et 55 km de conduites d’égout. L’année précédente, on estimait à 361 millions de litres d’eau par jour perdus, parce que notre système de distribution d’eau vieillissant est plus troué qu’un fromage de gruyère. Il faut mettre les bouchées doubles pour remporter cette course contre la montre.

On doit aussi s’attaquer à la question de la vente de notre eau à des multinationales qui l’embouteillent pour nous la revendre. À l’heure actuelle, il est impossible de connaître les quantités d’eau pompées dans les réserves québécoises. « Secret commercial », a statué la Cour du Québec en avril dernier. En juin, l’Assemblée nationale a toutefois voté à l’unanimité une motion reconnaissant que « la gestion durable de l’eau repose sur la transparence ». Les élus se sont engagés à étudier la possibilité de modifier le cadre juridique afin de rendre publiques les informations sur le pompage de l’eau au Québec. Ces modifications s’imposent.

Il faudra pousser la réflexion plus loin et se demander pourquoi on laisserait des multinationales puiser des milliards de litres d’eau à même nos réserves. Cette discussion doit avoir lieu sur la place publique, pas derrière des portes closes.

Il faut également mieux protéger nos milieux humides, car ils ont un impact sur la quantité d’eau disponible. « Ils nous protègent des inondations et de la sécheresse, rappelle l’auteure principale de l’étude, Angelica Alberti-Dufort, du consortium Ouranos. Ce sont la prunelle de nos yeux. »

Au printemps dernier, une autre étude, menée par le chercheur Jérôme Dupras, révélait qu’une majorité de répondants souhaitaient qu’on protège davantage les milieux humides. De plus, 93 % se disaient préoccupés par la qualité de l’eau potable3.

À la lumière de ces nouvelles études, souhaitons que la question de l’eau soit débattue avec sérieux durant la prochaine campagne électorale.

1. Consultez le chapitre de l’étude canadienne consacrée au Québec 2. Lisez l’article « Le sud du Québec manque d’eau » 3. Lisez l’article « Les Québécois prêts à débourser 280 millions pour protéger les milieux humides »