À quelques jours des vacances des Fêtes, de nombreux Québécois s’apprêtent à boucler leurs valises pour prendre l’avion et réaliser l’escapade dont ils rêvent depuis longtemps.

Tant mieux pour eux. Contrairement à l’an dernier, les voyages non essentiels ne sont plus déconseillés par le gouvernement fédéral pour la plupart des destinations. Apprendre à vivre avec la COVID-19, ça veut aussi dire réapprendre à bouger. Et l’industrie touristique a bien besoin de clients.

Mais avis à ceux qui lancent déjà leur maillot dans leur sac en chantant « tout doucement, je veux voyager » (Marjo, Chats sauvages, 1987). Il se pourrait que les choses ne se déroulent pas en douceur, justement.

Avec l’apparition du variant Omicron, Ottawa a ajouté de nouveaux contrôles à ceux qui étaient déjà en place. Pour les voyageurs, cela veut dire un risque accru d’être aux prises avec des files d’attente. De passer un test de dépistage à leur arrivée au Canada. De devoir s’isoler dans l’attente du résultat.

Ces mesures s’ajoutent à celles que les autres pays ont ou pourraient imposer. La situation est changeante et les voyageurs doivent savoir qu’ils plongent dans l’inconnu.

Ça ne peut pas être accueilli comme une surprise.

Le gouvernement fédéral nous avait avertis : voyager en temps de pandémie, c’est s’exposer au risque que les règles changent sans préavis.

Sauf exception (on y reviendra), on ne peut donc pas tenir Ottawa responsable des désagréments subis par les voyageurs. La question est plutôt de savoir si le fédéral en fait assez pour nous protéger d’Omicron.

On sait que la gestion des frontières est le point faible du gouvernement Trudeau depuis le début de la pandémie. La vérificatrice générale vient de le rappeler dans un rapport qui montre que les lacunes ont été encore plus graves qu’on le croyait – comme omettre d’aviser des voyageurs ayant reçu un test positif.

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Cette fois, le fédéral a donné l’impression d’avoir réagi à temps. Le 30 novembre, il a annoncé qu’il testerait l’ensemble des voyageurs internationaux à l’exception de ceux arrivant des États-Unis.

Le hic, c’est que les progrès sont lents. Pour remplir sa promesse, le fédéral doit tester 23 000 voyageurs par jour. Il en testait déjà 11 000 avant l’annonce. Dix jours plus tard, le chiffre était passé à... 17 000. Une augmentation modeste. Et Ottawa refuse de dire à quel moment il atteindra son objectif.

Cela étant dit, il ne faut pas dramatiser. Le Canada possède trois couches de protection contre Omicron. Nous n’acceptons que les voyageurs adéquatement vaccinés. Ceux-ci doivent présenter un test négatif avant leur départ. Et des tests aléatoires sont réalisés à l’arrivée. C’est ce dernier rempart qu’on essaie de renforcer. C’est fait avec difficulté et c’est imparfait. Mais il reste quand même les deux autres.

L’exception américaine ? C’est compliqué. La frontière est déjà une passoire vu les échanges commerciaux entre les deux pays. Tester tout le monde serait une tâche colossale. Jusqu’ici, la transmission communautaire du variant Omicron a heureusement été peu présente aux États-Unis.

Il est aussi bon de reculer d’un pas et de comprendre ce qu’on tente de faire ici. Il est illusoire de penser que le Canada sera épargné par le variant Omicron. Celui-ci est déjà chez nous. Et s’il est aussi contagieux qu’on le croit, il supplantera inévitablement le variant Delta.

Les contrôles aux frontières visent en fait à gagner du temps. En limitant les introductions multiples du variant, on diminue le nombre d’allumettes qu’on lance parmi la population. Cela réduit le nombre de brasiers. Et retarde le moment où la transmission communautaire se répandra à grande échelle.

Pendant ce temps, les scientifiques accumulent des connaissances sur Omicron. On documente sa contagiosité, sa virulence, sa capacité à éluder nos vaccins. Quand il se répandra chez nous, on saura mieux comment réagir.

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Si la plupart des désagréments imposés aux voyageurs par Ottawa sont légitimes, il y a une exception : l’aberrante règle qui oblige les Canadiens qui reviennent de l’un des 10 pays d’Afrique* où Omicron circule beaucoup à se faire tester pendant leur escale. Dans ce cas, Ottawa sombre dans l’absurde et l’injuste.

Quelqu’un qui voyage de Lagos à Montréal via Londres, par exemple, doit d’abord passer un test à Lagos avant d’embarquer dans l’avion. Puis s’arranger pour se faire tester à Londres, on ne sait trop comment, sans rater sa correspondance.

À son arrivée, ce voyageur (par ailleurs vacciné) est automatiquement testé et placé en isolement en attente du résultat.

À quoi sert le test intermédiaire londonien s’il y a un test à Montréal ? Mystère. Ottawa évoque un « effet dissuasif ». Sauf qu’une mesure de santé publique ne devrait jamais être délibérément conçue pour embêter les gens. Elle doit avoir une logique intrinsèque et se justifier par des objectifs de santé publique.

Ottawa fait certains progrès sur la gestion des frontières. Mais il en reste encore beaucoup à faire.

* Les pays concernés sont les suivants : Botswana, Égypte, Eswatini, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Nigeria, Afrique du Sud et Zimbabwe.