Au lieu de prendre position en faveur d’un parti politique, La Presse choisit, cette année encore, de vous offrir une série d’analyses pour répondre à vos questions et alimenter le débat public. Après avoir abordé la santé et l’environnement, samedi, nous nous penchons ce dimanche sur les finances publiques.

Comme dans une danse en ligne bien synchronisée, tous les partis politiques ont fait un pas vers la gauche durant la campagne électorale.

C’est la pandémie qui a battu la cadence, en prouvant aux citoyens combien l’intervention de l’État pouvait être salvatrice en période de crise. Et maintenant que le Canada s’affaire à relancer son économie, aucun parti n’avait de marge de manœuvre pour se mettre à parler de restrictions budgétaires.

Alors, même le chef conservateur a montré son côté givré en adoptant une plateforme plus progressiste que celle de ses prédécesseurs.

Erin O’Toole a passé une bonne partie de sa campagne à courtiser les ménages à faibles revenus, en s’engageant par exemple à doubler l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Cette promesse phare – 24 milliards sur cinq ans, ce n’est pas rien – aurait le mérite d’aider les gens à sortir de la trappe de l’aide sociale en réintégrant le marché du travail. Pour vous donner une idée, cela rapporterait 1400 $ de plus par année pour un travailleur qui gagne 14 000 $.

Mais les autres partis savent aussi danser.

Outre la mise en place du réseau national de garderies qui a déjà été adopté, les libéraux promettent plus d’argent pour les aidants naturels, les aînés, les étudiants, sans compter une série d’engagements pour rendre le logement plus accessible et favoriser la transition énergétique.

Mais le NPD est encore plus généreux. Et de beaucoup. Il présente une véritable révolution orange qui passe entre autres par des régimes d’assurance dentaire et d’assurance médicaments pancanadiens. Quant au Bloc québécois, qui n’a pas chiffré ses promesses à long terme, ce qui est dommage, il insiste sur la hausse des transferts en santé aux provinces.

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Peu importe le parti, les électeurs se retrouvent donc face à une marée de promesses qui vont ajouter des dizaines de milliards de dollars à la facture déjà lourde de la COVID-19.

Remarquez qu’un grand nombre de ces engagements sont fort louables et on serait bien fou de s’y opposer au Québec, où nous avons déjà mis en place depuis longtemps plusieurs de ces mesures.

Sauf que ces promesses vont quand même gonfler la carte de crédit d’Ottawa, car aucun des partis ne prévoit le retour à l’équilibre budgétaire, à part les conservateurs, mais seulement dans sept ans environ.

Comme sur une carte de crédit, les dépenses s’additionnent drôlement vite.

Les libéraux ont une liste de dépenses de 78 milliards, trois fois plus élevée que celle des revenus additionnels.

Au net, la plateforme libérale plombera donc les coffres de l’État de 53 milliards sur cinq ans, ce qui est comparable à celle des conservateurs (51 milliards) malgré l’abolition du réseau de garderies des libéraux qui leur ferait économiser 27 milliards.

Mais les néo-démocrates vont beaucoup plus loin. Leurs promesses coûtent pas moins de 209 milliards de dollars sur cinq ans, une facture que leur chef Jagmeet Singh veut éponger en faisant payer les « ultra-riches ».

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Or, il y a une bonne part de pensée magique à imaginer qu’on va mettre en place des programmes sociaux de grande ampleur qui profiteront à l’ensemble de la population sans que la classe moyenne ait à sortir un cent de son portefeuille.

Bien sûr, les riches doivent payer leur juste part.

En ce sens, il paraît raisonnable que les banques canadiennes soient mises à contribution, comme les libéraux le proposent. Après tout, l’intervention de l’État durant la pandémie leur a permis d’engranger des profits record, en évitant une vague de faillites. Mais au bout du compte, qui paiera la note ? Les clients qui verront les tarifs augmenter. Les investisseurs – gros comme petits – qui recevront moins de dividendes.

L’idée du NPD d’imposer davantage le gain en capital, c’est-à-dire le profit réalisé à la vente d’un actif, a aussi beaucoup de mérite. Mais si elle est mal dessinée, une telle mesure va faire mal au propriétaire d’un plex qui pensait revendre son immeuble après 40 ans pour vivre à la retraite. Ultra-riche ? Pas vraiment.

Évidemment, personne ne s’opposera à ce qu’on épingle les bandits qui cachent leur argent dans les paradis fiscaux. Mais ira-t-on chercher tous les milliards que prévoient le Bloc et le NPD ? C’est loin d’être sûr. Déjà, le fisc ne reste pas les bras croisés. Et plus il chasse, moins le gibier est facile à attraper.

L’histoire a montré que les promesses de taxer les riches ne rapportent pas toujours autant que prévu. Parlez-en aux libéraux qui avaient mal fait leurs calculs lors de la campagne de 2015.

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Mais les partis politiques ne s’en font pas outre mesure. Ils présentent leurs dépenses comme des investissements qui stimuleront la croissance économique, comme on l’a vu au Québec avec les garderies.

Il est vrai qu’en stimulant la croissance, on fait en sorte que les dettes deviendront moins lourdes par rapport à la taille de l’économie, comme en témoigne le fameux ratio dette/PIB, qui est appelé à diminuer dans les scénarios de tous les partis.

C’est rassurant. Mais il y a tout de même des limites à dépenser avec sa carte de crédit en misant sur son augmentation de salaire pour rembourser la facture plus tard.