Ça grogne pas mal fort dans la communauté anglophone du Québec ces jours-ci. Pour faire court, disons que la communauté a l’impression de ne pas être considérée par le gouvernement de la Coalition avenir Québec et que ses relations avec lui sont plus mauvaises qu’avec les anciens gouvernements du Québec, y compris ceux du Parti québécois.

They are us (« Ils font partie de nous »), avait même dit Jacques Parizeau.

Il est vrai que le PQ avait pris grand soin de ne pas froisser la communauté anglophone quand il s’agissait de ses institutions historiques ou de ses droits constitutionnels. Malgré les pressions au sein du PQ, jamais René Lévesque ou Jacques Parizeau n’auraient touché aux universités anglophones, qu’ils considéraient comme des institutions bâties et soutenues par la communauté.

Évidemment, les gouvernements péquistes avaient passé des lois, la loi 101 vient tout de suite à l’esprit, avec lesquelles la communauté anglophone était fortement en désaccord. Mais au moins, tout était clair : il y avait des lois et il y avait des droits. Le gouvernement respectait les droits des anglophones et il s’attendait à ce que ceux-ci respectent les lois, y compris celles qu’ils n’aimaient pas.

Avec la CAQ, tout est à la discrétion du gouvernement et il ne se gêne pas pour changer ce qui fait son affaire selon la situation politique du moment.

En fait, comme le soulignait la semaine dernière le chroniqueur Tom Mulcair dans la Montreal Gazette, on dirait que chaque fois que le premier ministre Legault sent qu’il risque de perdre une partie de son électorat nationaliste – comme c’est le cas depuis sa défaite dans Jean-Talon –, il agit comme si la défense du français consistait à attaquer la communauté anglophone.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Un amendement de dernière minute au projet de loi 15 déposé par le ministre de la Santé, Christian Dubé, donnerait au conseil d’administration de Santé Québec le droit de retirer des services en anglais à certains établissements de santé.

Ça se manifeste de toutes sortes de façons. La dernière controverse est venue d’un amendement de dernière minute au projet de loi 15 qui va créer l’agence Santé Québec. On y donnait au conseil d’administration de Santé Québec le droit de retirer les services en anglais à certains établissements, si le nombre ne le justifiait plus.

Cela pourrait viser des institutions bâties par la communauté anglophone qui servent maintenant les patients dans la langue de leur choix, mais qui se retrouvent aujourd’hui au cœur de collectivités francophones. Le tout par simple décision administrative.

Le vénérable hôpital Brome-Mississquoi-Perkins de Cowansville, fondé en 1910, est un bon exemple de ces nombreux établissements de santé bâtis par la communauté anglophone qui offrent aujourd’hui des services dans les deux langues, mais qui pourraient perdre le droit de le faire en anglais. Ce qui, soit dit en passant, ne ferait aucunement progresser le français.

Pourtant, quand le gouvernement avait adopté la loi 96, qui réformait les législations linguistiques antérieures, dont la loi 101, le premier ministre François Legault lui-même avait clairement précisé que le gouvernement continuerait d’avoir l’obligation d’assurer des services de santé en anglais.

Le groupe de pression le plus représentatif de la communauté anglophone, le Quebec Community Groups Network, a tout de suite flairé la manœuvre politique : « Des commissions scolaires aux frais de scolarité à l’université et maintenant aux soins de santé, il est clair que ce gouvernement a décidé de cibler la communauté anglophone pour contrer la montée du Parti québécois dans les sondages », dit son communiqué publié la semaine dernière.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a dû admettre en commission parlementaire qu’il ne savait pas trop d’où venait cet amendement et il a fini par dire, le lendemain, qu’il serait retiré puisque le but de sa loi n’est pas de changer le statu quo en matière d’accès aux soins de santé. Il a également loué le travail de l’opposition qui l’a prévenu du problème.

C’était donc une fausse alerte, mais le mal est fait. Pour la communauté anglophone, c’est confirmer que leurs institutions ne sont pas à l’abri d’une menace qui pourrait arriver on ne sait d’où, par exemple au moyen d’un simple article enfoui dans un projet de loi mammouth dont le ministre lui-même ne connaît pas l’existence.

Que ce soit par inadvertance ou pas, le gouvernement de la CAQ donne encore une fois l’impression qu’il ne se soucie pas beaucoup de la communauté anglophone, sauf lorsque cela lui permet de marquer des points politiques.

Il y a bien, officiellement, un ministre responsable des relations avec la communauté anglophone. Mais disons que le ministre des Finances, Eric Girard, a bien d’autres chats à fouetter ces jours-ci, entre la mise à jour économique de l’automne, le budget du printemps, sans oublier le dossier de la visite subventionnée des Kings à Québec !

On comprendra facilement que la communauté anglophone se sente, ces temps-ci, comme un simple accessoire politique pour le premier ministre et son gouvernement. Or, stigmatiser une partie de la population pour faire des gains partisans est toujours une mauvaise idée. Surtout que ça ne donne jamais les résultats escomptés.

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