(Québec) Les libéraux s’inquiètent que Christian Dubé propose un amendement à son projet de loi 15, sa vaste réforme de la santé, qui pourrait retirer « unilatéralement le statut bilingue de certains hôpitaux et centres de santé » au Québec. Le ministre de la Santé promet de corriger le tir avant l’adoption du projet de loi et de retirer l’amendement s’il le faut pour protéger les acquis de la communauté anglophone.

L’amendement controversé, qui a été débattu mardi en commission parlementaire, a depuis été suspendu — à la demande du ministre — le temps de l’éclaircir. Le Parti libéral du Québec (PLQ) demande qu’il soit tout simplement retiré.

Le texte proposé par le gouvernement confie à la nouvelle agence Santé Québec le pouvoir de retirer aux institutions de santé bilingues l’obligation d’offrir des services en anglais lorsque la taille de la population anglophone qu’elle dessert passe sous la barre des 50 %, a dévoilé vendredi le journal The Gazette. L’amendement prévoit aussi que Santé Québec consulte d’abord l’Office québécois de la langue française (OQLF) pour définir la part des anglophones dans une région, ainsi que les communautés concernées, avant de procéder.

Selon le porte-parole libéral en santé, le député André Fortin, l’amendement en question ne prévoit aucun mécanisme « pour qu’une communauté ou une région puisse empêcher Santé Québec de procéder ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

André Fortin

« En d’autres termes, un gouvernement qui déciderait d’éliminer la garantie d’accès aux services en langue anglaise dans certains hôpitaux pourrait le faire. Le ministre Dubé, qui avait précédemment exprimé son souhait de maintenir le statut bilingue de ces hôpitaux, n’a pas pu expliquer le processus de retrait ni défendre sa proposition. Par conséquent, l’article est actuellement suspendu », a-t-il dit vendredi.

Selon lui, « cet amendement ne contribue en rien à améliorer l’accès aux soins de santé des Québécois » et pourrait « au contraire restreindre l’accès à des services, dans leur langue, pour de nombreux Québécois ».

Dubé prend un engagement ferme

En mêlée de presse à la reprise de l’étude détaillée du projet de loi 15, vendredi, le ministre Christian Dubé a reconnu qu’il ne comprenait pas le détail de l’amendement qu’il avait lui-même déposé.

« Je vais retirer [l’amendement] si je ne suis pas en mesure de maintenir notre engagement. Il n’y aura aucun changement pour les services offerts aux anglophones ou dans le statut de leurs hôpitaux. Je veux être clair sur ce point », a dit M. Dubé en anglais.

« Il y a plus de 1200 articles dans ce projet de loi. Est-ce que je comprends le détail de chaque [amendement] ? L’opposition fait un très bon travail. Ils ont posé une question et j’ai répondu : d’accord, je vais vérifier. Il nous reste une semaine [de travaux], on est là-dessus depuis huit mois », a-t-il ajouté.

Les anglophones se mobilisent

La nouvelle fait vivement réagir dans la communauté anglophone. Il existe actuellement au Québec environ 50 institutions de santé bilingues. Ces établissements désignés « sont tenus de rendre accessibles tous leurs services de santé et services sociaux en langue anglaise aux personnes d’expression anglaise », explique le gouvernement.

Le Québec Community Groups Network (QCGN), qui est le porte-voix des anglophones dans la province, note également que le gouvernement n’a pas fermé la porte à l’adoption du projet de loi sous bâillon, alors qu’il dépose toujours à quelques jours de la fin de la session des amendements qu’il peine à expliquer.

« Il n’y a plus de temps à perdre avant l’imposition par le gouvernement d’une centralisation massive des services de santé et des services sociaux — à quoi s’ajoute une nouvelle menace à l’accès à l’anglais », a écrit l’organisme dans un communiqué de presse.

QCGN a également mis en ligne une pétition « à la suite d’un amendement de dernière minute proposé par le gouvernement, amendement suspendu pour l’instant, qui donnerait à son nouvel organisme central de contrôle, Santé Québec, le pouvoir de retirer aux établissements de santé leur droit d’offrir des services dans une langue autre que le français, si les chiffres ne le justifient pas ».