L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde.

Il y a bien sûr les avancées scientifiques et la technologie. On envoie des gens dans l’espace et bientôt sur Mars. On se croit informé à toute heure du jour et assuré d’un avenir radieux et prometteur parce qu’on a l’illusion d’être libre et d’avoir évolué. On nomme des atrocités, il y a des ONG, les Nations unies. On revendique des droits de la personne à travers une certaine idée de morale et de bienveillance. On tente aussi très fort de se convaincre qu’on est meilleurs que ceux qui nous ont précédés. Qu’enfin, après des siècles et des millénaires de barbarie, on saurait s’élever.

On peut prédire les orbites, les marées, le temps qu’il fera et les cycles économiques avec certitude. Et tel un rappel violent, on constate, à la lumière des dernières semaines, qu’au fond on a mal jaugé notre nature, celle, d’une part, d’exister pour la beauté d’un regard et celle, d’autre part, d’être une sorte d’animal que certains tentent de dire socialisé. Les guerres et les agressions perdurent.

L’instant d’un battement de paupière, on prend cette mesure, en citant Hubert Reeves disparu : notre espèce ne sera peut-être pas celle qui survivra, après tout.

C’est OK, en fin de compte. On aura beau dire que ce sont des crimes ou des atrocités, le fin fond de l’histoire, c’est que ce sont des actes commis par et sur des humains. Et c’est sans compter une information cruciale entendue entre les branches : on s’inquiète sérieusement du triangle Iran-Russie-Chine pour la suite du monde.

On ne peut pas blâmer l’insatiabilité des médias ni l’information continue pour expliquer le mal de cœur et les nausées d’âme. On ne tentera pas d’explications ici. Faisons distraction, si vous le permettez. Le temps d’une marche sur un bout de terre au milieu du fleuve, durant un sale temps (au propre comme au figuré).

Les champs ont blondi, et tout a commencé à ployer sous une idée de fin. Le miel est récolté. Il reste des courges et de belles citrouilles orange au potager. Quelques pommes (des Russet et des McIntosh) pendent encore aux branches des pommiers à travers leurs feuilles brunes. Presque toutes les fleurs ont séché, hormis quelques trèfles blanc et rouge qui s’obstinent. Les plantes d’angélique, fières même mortes, restent debout et leurs squelettes traversent parfois l’hiver, comme des sentinelles qui marchent sur la neige.

Les chenilles d’isie isabelle, si nombreuses cette année, croisent les routes d’asphalte et de terre depuis septembre. On dit que la longueur de leurs bandes noires peut prédire la longueur de l’hiver. Bullshit, évidemment, mais ceci d’intéressant : ces chenilles se nourrissent de plantes et savent discerner entre la toxicité aiguë et les bienfaits des végétaux. Un peu comme nous cet automne, on se dit. Un jour, après l’hiver, elles seront chrysalides, puis papillons. Mais tout n’est pas toujours aussi heureux. Plusieurs sont écrasées ou bouffées par les couleuvres et les oiseaux. Ainsi vont les choses.

Les oies et les outardes, comme des étoiles volantes, marquent le ciel dans leurs migrations ces jours-ci, un rappel que tout n’est pas que laideur et que, comme elles, des rythmes nous rattachent au sol et au territoire que l’on habite. Heureusement. Après la pluie, le beau temps, aime-t-on penser. On se croise les doigts avec une toile de fond d’horreurs.

Les marées pendulent. Un soleil paresseux perce les nuages et fait apparaître des courtepointes de couleurs sur les montagnes d’octobre. Un peu de peinture dans l’atelier à travers la course à obstacles.

On se dit que quand tout pète, une chance qu’il reste un peu d’éternité cachée ici et là, entre les mots, les regards et un peu d’art, dans l’ombre des inquiétudes.

Une fleur d’églantier (rosier sauvage) qui s’obstine sur le littoral. C’est d’ailleurs à l’automne que les fruits sont bons ; goût de rose. Je crache les pépins un à un, ça fait passer les heures et ça occupe l’esprit loin des écrans catastrophes.

Et je marche face au vent comme pour compenser la réalité. Ça fait pleurer et sécher les yeux en même temps. C’est pratique comme excuse. Les prises de conscience sont parfois violentes. On n’est pas fait que de beautés et d’espérances, se fait-on encore répéter.

Dans quelques jours, avec les enfants, on va préparer l’Halloween. Cette année, les citrouilles auront d’immenses sourires.

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