L’artiste Marc Séguin propose son regard unique sur l’actualité et sur le monde.

Difficile de ne pas être sensible à la crise du logement et à ces conséquences ces jours-ci. Différences inconciliables ?

J’invente une histoire ici, où d’un côté, j’aurais un ami promoteur immobilier et de l’autre, une amie politicienne. Impossible de les réunir dans la même pièce, sinon qu’à des funérailles.

Il faut déplorer que les choses qui accrochent ne soient jamais prises en charge en amont, mais qu’une crise, chaque fois, vienne révéler l’urgence d’une situation.

On ne va pas ajouter à la lourdeur du débat. Les municipalités manquent de ressources et crient à l’injustice sociale, et dans cet élan, s’en remettent à Québec. Québec, pour sa part, blâme le Canada (et sa SCHL) pour le sous-financement. On se lance la balle – et des chiffres –, en tentant de convaincre ceux qui n’ont pas de logement, et les électeurs, que c’est la faute de l’autre. Toujours la faute de quelqu’un d’autre. Jamais d’« imputabilité ». Sinon que pour faire des promoteurs, de temps en temps, des méchants utiles.

Tsé, dans un système où l’économie fait office de foi divine, la raison vient aussi des profits. C’est un réflexe capitaliste. Et il se trouve que dans la réalité, personne ne veut construire des logements sans profits.

On ne fera pas l’apologie des bons ou des vilains ici. On a les idéaux qu’on mérite. Entre justice sociale et profitabilité. Pas mal tout se trouve entre ces deux pôles. Mais s’expliquer ou tenir des colloques, écrire des essais, alourdir davantage la lourdeur administrative, exempter de la TPS, faire et citer des milliers d’études sur le tissu social, chier des statistiques et encore d’autres statistiques, des envolées lyriques, des plaintes ad nauseam ou des discours politiques écrits par des stratèges en communication ne construisent pas tant de portes d’entrée et de toits à ceux qui n’en ont pas.

Comme chialer ne paie pas le loyer ni l’hypothèque. Ceci : il existe aux États-Unis ce qui s’appelle les Opportunity Zones. Elles concernent des zones habitables qui sont nommément devenues et appelées à devenir des outils de développement économique. Ce qui permet à des promoteurs d’investir différemment dans des endroits « affligés » ou sous pression sociale.

Le rôle de cette mesure est de faciliter et d’augmenter la croissance économique et la création d’emplois dans les communautés à faible revenu avec des bénéfices, comme certaines réductions de taxes pour les investisseurs ou d’autres incitatifs aux risques encourus.

Les Opportunity Zones ont été créées sous le Tax Cuts and Jobs Act de 2017. Des milliers de communautés à faible revenu sont désormais qualifiées pour ces zones dans les 50 États, le district de Colombia (Washington DC) ainsi que les cinq territoires. Le pays en entier. Et ça facilite la construction de logements, et l’accès au logement.

Je ne fais pas la promotion des bons ni des méchants ici, mais comme je ne crois plus à la fée des dents, on cherche d’autres histoires à se raconter… Car on l’a appris, la majorité des promoteurs préfèrent payer une pénalité plutôt que de construire du logement social. Comment faire autrement pour les inciter ? La coercition a des limites (plus personne ne soumissionnera, on le voit déjà). Et dans la réalité, aucun gouvernement ni pouvoir municipal n’a les moyens d’être un promoteur, ce n’est pas leur rôle. Mais ils peuvent faciliter la chose.

Dans l’enfance, lorsqu’on se chamaillait, ma sœur et moi, ma mère nous assoyait à la même table et nous forçait à jouer ensemble. On finissait par trouver un terrain d’entente pour sortir de là.

Plus près de nous, il existe en Ontario une sorte d’instance médiatrice (un Tribunal d’aménagement du territoire), entre les deux idéologies mentionnées plus haut, qui tranche le débat au bénéfice – magie, magie – des gens qui doivent se loger. Un organisme qui agit un peu comme un arbitre et qui trouve un milieu heureux et utile socialement. Ou, du moins, un moyen pour que des projets se fassent. On cite ici : le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire entend et tranche les appels et les questions portant sur l’aménagement du territoire, la protection de l’environnement, des caractéristiques naturelles et du patrimoine, l’évaluation foncière, l’indemnisation foncière, les finances municipales et d’autres questions connexes.

On constate qu’il y a moins de renvois de balle. Ne soyons pas dupes, aucune partie dans cette chicane n’en sort totalement satisfaite, mais câline, on pourrait construire avec l’idée de donner des maisons, des appartements, des chez-soi et un peu de fierté à des personnes qui en ont besoin en assouplissant, et en trouvant une sorte de milieu. Car devant la situation actuelle, on constate que les idéologies ne mettent rien en chantier.

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