(Ottawa) Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, est d’avis qu’il est légitime pour le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan de recourir à la disposition de dérogation, comme le Québec l’a fait pour la laïcité. Les deux provinces songent à mettre leurs politiques sur les mineurs transgenres à l’abri des contestations judiciaires. Il estime que le Parlement doit se saisir de l’enjeu de l’identité de genre « pour trouver des accommodements raisonnables » et accuse Justin Trudeau de s’en servir pour « exalter sa base électorale torontoise ».

« Le but de la clause dérogatoire n’est pas qu’on soit d’accord avec la décision, c’est que la décision puisse être prise par les provinces et les parlements des provinces », a affirmé M. Blanchet en entrevue.

M. Blanchet réagissait aux propos du chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, qui ne voit pas de différence entre le geste du Québec et celui qu’envisagent de poser les gouvernements néo-brunswickois et saskatchewanais. M. Singh considère le recours à cette disposition comme un abus quand elle est utilisée « pour abroger ou pour violer les droits de la personne ».

La disposition de dérogation permet d’adopter une loi outrepassant certains articles de la Charte canadienne des droits et libertés comme les droits à l’égalité, à la sécurité et à la liberté de religion. Elle a été invoquée par le gouvernement de François Legault dans la Loi sur la laïcité de l’État et la « loi 96 » qui réaffirme le statut du français comme langue officielle au Québec.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, n’exclut pas d’utiliser cette disposition dans un projet de loi visant à officialiser les changements apportés à la politique 713 qui visait à assurer un environnement inclusif aux élèves LGBTQ+. Les jeunes trans ne peuvent plus changer de pronom ou de nom à l’école sans que leurs parents soient avisés.

PHOTO ANDREW VAUGHAN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs

La Saskatchewan a adopté une politique similaire et son premier ministre, Scott Moe, a affirmé récemment qu’il était prêt à utiliser la disposition de dérogation. Les deux provinces sont aux prises avec des contestations judiciaires.

Au Parlement de jouer son rôle

Des manifestations contre « l’idéologie du genre dans les écoles » ont donné lieu mercredi à des affrontements avec des contre-manifestations pour défendre les droits de la communauté LGBTQ+ un peu partout au pays.

« Que ce soit clair : la transphobie, l’homophobie et la biphobie n’ont pas leur place dans notre pays, a réagi le premier ministre Justin Trudeau sur le réseau social X. Nous condamnons fermement cette haine et ses manifestations, et nous sommes solidaires des Canadiens et Canadiennes 2ELGBTQI+ à travers le pays – vous êtes valables et appréciés. »

Ces rassemblements étaient organisés par One Million March for Children, un groupe composé de militants musulmans conservateurs, de membres de la droite religieuse et de sympathisants du « convoi de la liberté ». Le chef du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, a participé à la manifestation d’Ottawa et Jagmeet Singh, à la contre-manifestation. La Presse n’y a vu aucun membre de la députation conservatrice, qui, selon Global News et La Presse Canadienne, avait reçu un mot d’ordre de son chef.

« J’ai d’énormes problèmes avec la présence de Maxime Bernier, la présence de Jagmeet Singh, les commentaires de Justin Trudeau qui, indépendamment des extrêmes, sont du même jus », a estimé Yves-François Blanchet.

« On décide à des fins électorales et idéologiques que ceux qui ne pensent pas comme nous, c’est des méchants. Justin Trudeau a fait la même chose lors des manifestations de camionneurs, a-t-il ajouté. Moi, je suis en total désaccord avec ce que la plupart des manifestants disaient, mais ils ont le droit de le dire et, comme parlementaires, notre devoir est d’alimenter une discussion sérieuse basée sur la connaissance et la science qui pourrait mener à des décisions de l’État canadien. Ça, c’est notre travail. »

À son avis, le Parlement devrait se saisir des questions soulevées dans ce débat sur l’identité de genre pour « trouver des accommodements raisonnables », mais aussi « tracer la ligne ».

« Est-ce qu’on doit miner l’autorité des parents ? a-t-il demandé. Je ne suis pas certain. Est-ce qu’on doit avoir des dispositions pour les transgenres dans les équipes sportives ? Je ne suis pas certain. »

« Est-ce qu’on doit dire à un médecin d’agir à l’encontre de la science s’il considère que c’est mauvais pour son patient ? Il y a des enjeux de société qui vont bien au-delà de manifestations avec des pancartes criardes. »

Le comité permanent de la santé de la Chambre des communes a produit un rapport en 2019 sur la santé des personnes membres de la communauté LGBTQIA2 (lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queer, intersexuées, asexuées et bispirituelles). Il recommandait, entre autres, de couvrir les traitements aux hormones prescrits aux personnes trans dans un éventuel programme national d’assurance médicaments et d’inciter toutes les provinces et tous les territoires à couvrir les opérations chirurgicales d’affirmation de genre.

Le député néo-démocrate Randall Garrison a publié un livre blanc avec 22 recommandations en juin sur le statut des personnes trans et de diverses identités de genre. La Loi canadienne sur les droits de la personne interdit depuis 2017 la discrimination fondée sur l’identité de genre.

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  • 0,33 %
    Proportion de la population canadienne âgée de 15 ans et plus transgenre ou non binaire
    Source : Statistique Canada