Le deuil chez les enfants est rarement exploré au cinéma. Patrick Boivin a fait le pari d’aborder le sujet par l’entremise de l’imaginaire.

Étienne et David croient aux extraterrestres. Un soir d’orage, leur youtubeuse préférée les encourage dans une vidéo en direct à sortir dans l’espoir de voir un ovni. Puis, David est frappé par la foudre.

Étienne se réveille à l’hôpital et son père lui apprend que son petit frère est « parti ». Tous les adultes qui regardent Écho à Delta savent que David est mort, et bien des enfants le supposent aussi. Mais Étienne est persuadé que les extraterrestres ont pris son frère. Avec ses amis, il tentera de le prouver, ce qui sèmera graduellement le doute chez les plus jeunes cinéphiles.

« Les parents et les enfants ont une lecture totalement différente du film, reconnaît d’emblée le réalisateur Patrick Boivin. Un drame de cette ampleur, je pense que c’est trop pour les enfants, mais de leur faire vivre à travers une sorte de magie donne une belle histoire pour eux. Puis, comme parent, moi, les drames me touchent. Ce film me fait encore pleurer. Et s’il permet une réflexion des parents sur les discussions qu’ils pourraient avoir avec leurs enfants sur la mort, je trouverais ça beau. »

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Le réalisateur d’Écho à Delta, Patrick Boivin

Avec ce film, le réalisateur de Bunker et de nombreux courts métrages amusants offerts sur sa chaîne YouTube voulait d’abord amorcer un dialogue avec ses propres enfants sur ce qui arrive quand la vie prend fin.

On ne parle jamais de la mort. Elle se pointe tout le temps comme une surprise et on n’est pas prêt.

Patrick Boivin, réalisateur

Comme bien d’autres de sa génération, Patrick Boivin a aussi été marqué par La guerre des tuques. « C’est tellement déchirant quand le chien meurt. C’est un film pour enfants, mais on en sortait en pleurant. Cette émotion combinée à l’authenticité des jeunes me manquait. »

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Isak Guinard Butt

Inspiré par le classique d’André Melançon, il a abordé le deuil du point de vue d’un garçon de 10 ans, joué par le nouveau venu Isak Guinard Butt. Issu du collectif humoristique Phylactère Cola, le cinéaste a allégé l’ensemble grâce à la camaraderie, le réalisme magique et l’art de l’animation image par image (stop-motion). L’enquête menée par Étienne et ses amis afin de bâtir un dossier qu’ils comptent présenter à la youtubeuse Ovnina est truffée de parcelles de leur imagination qui s’animent à l’écran. « Jean-Daniel [Desroches, le scénariste] m’a approché, il y a une dizaine d’années, avec son projet dans lequel il voulait mettre plein de moments de magie. On a construit le film avec en tête les atouts que j’ai, toujours en justifiant ces séquences dans l’histoire. On souhaitait faire quelque chose de visuellement impressionnant tout en considérant le budget », explique Patrick Boivin.

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La Camaro volante !

La recrue et le vétéran

Parmi les scènes surprenantes, il y a celle de la vieille Camaro rouge qui se transforme en fusée. Celle-ci est l’œuvre d’Étienne et de Steve, propriétaire d’un parc à ferraille (une « cour à scrap »), interprété par Martin Dubreuil. Le comédien et membre des Breastfeeders a joué un rôle dans l’obtention du premier rôle à vie d’Isak Guinard Butt.

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Isak Guinard Butt et Martin Dubreuil incarnent respectivement Étienne et Steve.

« Isak est le fils de William, un de mes meilleurs amis et le premier drummer de mon groupe. J’ai su qu’il était intéressé à devenir acteur. J’aime ça donner une chance à mon monde et donner au suivant, alors je l’ai suggéré à Patrick Boivin. Il n’était pas question de faire du favoritisme. Ils l’ont choisi après quelques auditions et je pense que ç’a été une sage décision », raconte Martin Dubreuil.

Je n’avais jamais fait de théâtre ou quoi que ce soit qui était cinématographique. C’était du talent apparemment… Je ne veux pas dire « ouais, je suis talentueux », mais Patrick Bovin m’a répété souvent que je n’avais pas beaucoup de chances [d’avoir le rôle]. J’ai bien fait ça, je pense

Isak Guinard Butt

Même s’il admet qu’il avait « l’impression de ne pas travailler » lorsqu’il était sur le plateau et qu’il s’est beaucoup amusé pendant le tournage à Montréal, à Laval et sur la Rive Sud, Isak a été secoué en regardant Écho à Delta la première fois. « J’ai beaucoup pleuré ! C’est bizarre de se voir à l’écran, mais c’est surtout poignant comme histoire. Ça m’a aussi permis de réaliser que les enfants doivent comprendre que la mort, ça arrive. »

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Les amis mènent leur enquête.

« Steve devient comme son grand frère qui l’aide à traverser un deuil. Puis, Steve, ça lui fait du bien de vivre ce délire avec Étienne, précise Patrick Boivin. Quand j’étais jeune, avec mon frère, on allait aussi jouer dans une cour à scrap pas loin de chez nous. C’était un endroit dont on avait vraiment peur, mais on était incapables de ne pas y aller. Comme réalisateur, je l’ai approché de la même façon. Le réconfort dans un lieu improbable. »

Écho à Delta est actuellement en salle.