Raël et sa couette ? Le caca de Guy Fournier ? Le charisme incandescent de Jack Layton ? Les déclarations racistes du doc Mailloux ?

En 20 saisons sur les ondes de Radio-Canada, Tout le monde en parle a accueilli près de 4500 invités, qui ont déclenché une tonne de controverses et rempli des centaines de coupes de vin (on boit quoi, Diane ?). Pour marquer son 500e épisode, Guy A. Lepage a réuni sur son plateau circulaire une vingtaine de visages marquants de l’émission, dont Justin Trudeau, Véronique Cloutier et Thierry Ardisson, qui revisitent des moments phares où ils ont rigolé, pleuré et beaucoup râlé.

Cette costaude édition spéciale, qui a été enregistrée le 15 janvier dernier, jouera le dimanche 10 mars à 20 h, et la réalisatrice Manon Brisebois y pèsera sur le piton comme au premier jour, soit le 12 septembre 2004. J’ai vu mercredi cet épisode anniversaire, entrecoupé d’archives mémorables, et c’est très, très bon.

PHOTO KARINE DUFOUR, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Tout le monde en parle a accueilli près de 4500 invités en 500 épisodes.

Premier constat : Guy A. Lepage a arboré toutes les coupes de cheveux imaginables du monde, ouf. Deuxième observation : la société québécoise a énormément évolué en 20 ans. Troisième truc : Tout le monde en parle, qui a accédé au titre d’émission culte, demeure la grand-messe du dimanche soir, même si des esprits chagrins prédisent ou souhaitent sa mort depuis sa naissance.

Et alerte au divulgâcheur : l’animateur a signé son contrat pour piloter la 21e saison de Tout le monde en parle, qui démarrera en septembre prochain. Voilà pour la poutine interne.

Créateur de ce populaire format télévisuel, Thierry Ardisson revient le premier sur les lieux du crime avec Guy A. Lepage et Dany Turcotte, qui remet son chapeau de fou du roi, pour une soirée seulement, après avoir démissionné avec fracas, il y a trois ans.

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Thierry Ardisson

À 75 ans, Thierry Ardisson s’est assagi et ne carbure plus à la provocation. Il m’a même paru assez éteint. Assis devant Guy A. Lepage, Ardisson admet qu’il ne demanderait plus à l’ancien premier ministre Michel Rocard si « sucer, c’est tromper » et qu’il ne commenterait plus la perte de poids de Lara Fabian, qu’il avait jugée correcte, parce que ses seins n’avaient pas bougé. Ses mots, pas les miens.

Rapidement dans le 500e épisode, une des polémiques les plus odorantes du talk-show remonte à la surface, celle du caca de Guy Fournier, alors président du conseil d’administration de Radio-Canada. L’extrait rejoue et nous montre un Serge Lama hilare : « plus il se justifie, plus il s’enfonce », dit-il en rigolant.

En réponse aux théories de Guy Fournier qui estime avoir été piégé par Guy A. Lepage pour forcer sa démission, ce dernier répond que Guy Fournier « s’est mis dans le caca tout seul ».

Véronique Cloutier a été la première vedette d’ici à se visser dans un des fauteuils blancs de Tout le monde en parle. Elle y est allée 15 fois en 20 ans. La personne qui détient le record d’apparitions demeure l’analyste politique Chantal Hébert, avec 18 présences.

Au fil des 20 dernières années, « nous avons reçu de beaux humains et quelques taouins », blague Guy A. Lepage.

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Justin Trudeau, Pauline Marois et Régis Labeaume

Les convives connus les plus désagréables ? L’acteur Romain Duris, qui n’avait pas le goût d’assurer le service après-vente de son film Molière, l’auteur François Weyergans, qui refusait de signer les papiers de libération des droits, de même que Béatrice Dalle, super arrogante et chiante, selon l’équipe.

Accompagnée de l’écrivain Dany Laferrière, l’ex-première ministre Pauline Marois revisite le passage halluciné du gourou Raël, probablement l’évènement le plus spectaculaire de l’histoire de Tout le monde en parle. L’atterrissage de la soucoupe volante s’est produit dans le deuxième épisode à vie, le dimanche 19 septembre 2004.

« Il était tellement fou. Complètement capoté », se souvient Pauline Marois, qui a ensuite été importunée par des membres de la secte de Raël pendant trois mois. Notre caricaturiste Serge Chapleau avait démontré tout le ridicule du personnage en agrippant le chignon de sa sainteté, une scène qui ne passerait plus en 2024, pense Guy A. Lepage.

Pendant plus de deux heures, vous verrez aussi Régis Labeaume, Ricardo Larrivée, Boucar Diouf, Janette Bertrand, Stéphane Rousseau, la Dre Joanne Liu, Fred Pellerin et Kim Thúy.

Je m’attendais à plus de flammèches entre Richard Martineau et Patrick Lagacé, anciens coanimateurs des Francs-tireurs qui ont eu depuis plusieurs chicanes épiques. Ça reste poli et plutôt froid entre eux. Patrick Lagacé qualifie leur relation de « critique, mais stable », et Richard Martineau prend davantage de place que son collègue.

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Richard Martineau et Patrick Lagacé

Impossible de recevoir Christian Bégin sans lui parler de sa célèbre déclaration du 10 octobre 2004 à propos du jeu de Stéphane Rousseau dans Les invasions barbares. « Il a fait une job correcte, sans plus », avait constaté Christian Bégin sous le regard peu amusé de Rémy Girard. Cette citation le suit encore et Stéphane Rousseau se pointe même sur le plateau pour enterrer ce dossier une fois pour toutes.

Le premier ministre Justin Trudeau parle de sa séparation d’avec Sophie Grégoire, avec qui il entretient « une belle amitié », et il affirme que ses trois enfants vont bien, « mais que c’est tough ».

Une seule personne a refusé de participer à la 500e de Tout le monde en parle : Mario Dumont, qui avait été vivement critiqué par Chantal Hébert lors d’une joute houleuse, en mars 2007.

À propos des instants plus sombres de l’émission, on ne peut pas oublier la deuxième visite de Nelly Arcan, en septembre 2007, qui avait traumatisé l’auteure de Putain et de Folle. Elle en avait extrait une nouvelle dévastatrice, La honte, publiée dans son recueil Burqa de chair.

Guy A. Lepage n’avait pas croisé l’écrivaine, en coulisse, avant l’enregistrement. Il n’avait aucune idée du trouble avec lequel Nelly Arcan se débattait. Avec le recul, l’animateur admet que l’équipe entourant l’auteure « n’aurait jamais dû la laisser entrer sur le plateau ».

De son côté, Nelly Arcan est ressortie humiliée de cette entrevue. « Le jugement du monde entier, reflété par son visage défait, s’était rabattu, ce soir-là, dans son décolleté. C’était comme si, au creux de ses seins corsetés, s’était logée la plus vieille histoire des femmes, celle de l’examen de leur corps, celle donc de leur honte », écrit-elle de sa plume magnifique, dont on s’ennuie grandement.