Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a beaucoup de pain sur la planche. J’ai profité de son passage au festival Transistor qui se déroulait la semaine dernière à Gatineau, sa région, pour aborder quelques dossiers cruciaux.

Premier sujet : l’abandon du fameux projet des Espaces bleus. Lancé il y a trois ans, ce concept de musées régionaux dans les 17 régions administratives du Québec bénéficiait d’un budget de 259 millions de dollars pour la rénovation et l’aménagement de bâtiments patrimoniaux devant accueillir ces espaces consacrés à notre histoire.

À ce jour, quatre bâtiments (l’ancien couvent des Petites Franciscaines, dans Charlevoix, la villa Frederick-James, en Gaspésie, le Vieux-Palais, en Abitibi-Témiscamingue, le pavillon Camille-Roy du Séminaire de Québec) ont subi ou subiront des rénovations. Le coût de ces travaux devrait graviter autour de 120 millions.

Le pavillon du Séminaire, qui devait être la maison mère des Espaces bleus, sera maintenant transformé en musée national de l’histoire. Les trois autres lieux devront maintenant se trouver une vocation.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Le pavillon du Séminaire de Québec ne deviendra pas un Espace bleu, mais bien un musée national de l’histoire.

Voyant qu’on se dirigeait allègrement vers un sérieux gonflement de coûts (évalué à 1 milliard), Mathieu Lacombe a décidé de mettre un frein à cette idée qualifiée de « fiasco » par l’opposition. « C’est moi qui ai pris cette décision et j’en suis fier. Comme ministre, il faut être capable de débrancher un projet. »

Lorsque cette idée a été lancée, de nombreux experts ont affirmé que la somme de 259 millions initialement prévue serait clairement insuffisante. Comment le gouvernement n’a-t-il pas vu cela ?

L’explosion des coûts dans la construction m’a amené vers ce choix, soit je persévérais, soit j’autorisais des dépenses qui n’avaient aucun bon sens.

Mathieu Lacombe

Mathieu Lacombe a hérité de ce concept dévoilé en juin 2021 par François Legault et Nathalie Roy. Il a rapidement compris qu’il avait une énorme patate chaude entre les mains. Il ne pouvait pas défendre ce projet alors que les demandes du milieu culturel se multiplient.

« C’est clair que pour moi, il faut plutôt investir dans des théâtres et des organismes qui ont des besoins. » Voilà une phrase qu’il préfère répéter au milieu culturel.

S’il a largué le projet des Espaces bleus, Mathieu Lacombe défend avec beaucoup d’enthousiasme celui du futur musée national d’histoire qu’il imagine au goût du jour. « J’ai l’ambition d’en faire le musée le plus numérique au pays. Il faut attirer les jeunes. Je ne veux pas juste des dates et des portraits de gens qui nous ont gouvernés sur les murs. »

Lors d’une entrevue-balado réalisée devant le public du festival Transistor, il a été question de sa relation avec son homologue à Ottawa, Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien. On a souvent l’impression que le courant passe très difficilement entre ces deux politiciens.

Mathieu Lacombe a lancé le défi à l’animateur d’organiser une rencontre qui les réunirait sur scène. « Moi, je l’aime, Pascale, c’est juste qu’on travaille pour des gouvernements qui défendent leurs champs de compétences. »

Justement, au sujet des champs de compétences. Il y a quelques jours, Mathieu Lacombe a évoqué la création d’un fonds financé à partir de la taxation des géants du web afin de venir en aide aux médias. Il répondait à une question de Sol Zanetti, député de Québec solidaire, à l’origine de cette idée.

Je lui ai fait part de ma perplexité. Pascale St-Onge a fait exactement ce travail au cours de la dernière année en allant chercher 100 millions auprès de Google. Allons-nous refaire le même exercice à l’échelle provinciale ? Quel pouvoir avons-nous pour entreprendre une telle démarche ? Ne risquons-nous pas de briser l’entente avec le fédéral ?

Mathieu Lacombe a défendu cette approche avec modération. « C’est une idée qui mérite qu’on s’y attarde, mais ce n’est pas quelque chose qui est au-dessus de ma pile. »

Le ministre québécois convient qu’il n’a pas discuté de cela avec Pascale St-Onge.

Vous avez raison de dire que si on dédoublait le travail, ça ne serait pas constructif ou rentable. Cela dit, ce n’est pas vrai que la culture québécoise va se décider à Ottawa.

Mathieu Lacombe

Cette phrase est devenue une véritable marotte pour le ministre de la Culture et des Communications.

Mathieu Lacombe a annoncé la création d’un passeport culturel pour les jeunes. La tranche d’âge et la valeur n’ont pas encore été fixées. Chose certaine, le ministre profite de l’expérience française et espagnole pour éviter les dérapages (en France, des jeunes utilisaient la somme pour s’acheter un ordi).

« Le passeport devra servir à des produits culturels québécois, pour moi c’est très clair. »

Celui qui a la réputation d’être proactif a aussi l’intention de mettre de l’ordre dans les programmes de la Société de développement des industries culturelles du Québec (SODEC) et du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) qu’il juge trop complexes. Aux spectateurs du festival Transistor, il a dit que s’ils prenaient connaissance de certains programmes, « ils saigneraient du nez ».

« Je regarde ça et je suis découragé. Sommes-nous obligés d’avoir un programme pour les cinéastes de moins de 25 ans qui veulent faire un film sur la reproduction des singes de l’île d’Orléans ? Ou alors, un programme sur la revitalisation des maisons anciennes situées sur le côté impair de telle rue à Québec ? J’exagère, mais il y a tellement de programmes. Et il faut les administrer. Après ça on se demande pourquoi on a toujours les mains attachées. Je dis : simplifions et coupons dans la paperasse. »