Il y a du lourd et de l’étrange dans le cabinet de Louise Sigouin ce printemps. Et je ne parle pas de l’impressionnante corne de Viking dans laquelle Gino, notre vendeur-livreur à la couette de Krishna, sirote son hydromel sucré.

Un couple en crise de Si on s’aimait encore de TVA génère une quantité effarante de commentaires assassins sur les interwebs. Il s’agit, bien sûr, de Stéphanie, 35 ans, et de Keven, 36 ans, ensemble depuis 18 ans (pardon ?), qui ont déballé tous les détails scabreux de leur relation toxique, jalonnée d’adultère et de jalousie.

Elle fait pitié, cette Stéphanie de Saint-Amable, forcée à un rôle de « tradwife », cette mère au foyer d’une autre époque qui se consacre entièrement à son mari et à ses deux fillettes. C’est Stéphanie qui a été trompée et contrôlée par son conjoint Keven, mais c’est elle qui absorbe le venin des réseaux sociaux.

Pourquoi elle reste, maudite (insérez ici une insulte) ? Ça ne lui tente pas, à Stéphanie, d’allumer et de sacrer Keven à la porte ?

Parce que Keven a couché avec la meilleure amie d’enfance de Stéphanie, qui est aussi la marraine de leur plus jeune fille Magalie. Parce que Stéphanie a visionné l’acte sexuel extraconjugal en se connectant sur les caméras de surveillance du garage où bosse Keven. Et parce que Stéphanie a lu tous les textos vicieux que Keven a échangés avec sa maîtresse, où il la dénigrait et où il ridiculisait son apparence physique.

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Stéphanie, participante à l’émission Si on s’aimait encore

Malgré cette enfilade de comportements inappropriés, personne ne traite Keven de trou de cul sur Facebook. C’est Stéphanie que l’on juge. La victime. Pour mémoire, Keven a toujours empêché Stéphanie de se maquiller, d’acheter des vêtements à la mode et de sortir avec ses copines. L’idée que Stéphanie devienne massothérapeute torturait Keven : impossible de la laisser toucher à d’autres corps que le sien, franchement !

Enfant de la DPJ et abandonnée par sa propre maman toxicomane, Stéphanie a ravalé, baissé la tête et toléré l’intolérable. Sa belle-mère lui a également lavé le cerveau : une épouse reste à la maison, aux côtés de son homme, beau temps, mauvais temps, a-t-elle répété à Stéphanie.

On dirait quasiment un épisode d’À cœur battant, en version réelle et non scénarisée par Danielle Trottier. C’est d’ailleurs l’un des plus grands dangers de la quotidienne de TVA, qui offre au tribunal populaire une tonne d’informations extrêmement intimes, que nous nous plaisons à décortiquer et à suranalyser.

Dépressif et intimidé à l’école secondaire, Keven essaie de reconquérir Stéphanie avec un « spa de nage » et des « je t’aime » aussi forcés que malaisants. Quand Keven fait l’épicerie, une seule fois, et qu’il cuisine un souper de base, tout le monde s’extasie : wow, quel bon père de famille attentionné ! Arrêtons cette mascarade. Ça fait 18 ans que la charge domestique repose entièrement sur les épaules de Stéphanie, qui n’a jamais reçu de médaille pour ses loyaux services.

Et qui félicitait Stéphanie de préparer les lunchs quand Keven buvait à outrance et qu’il se gelait la face avec des gélules de cannabis ? Pour citer Louise Sigouin, Keven est un dépendant « all dressed ».

Le cœur m’a quasiment arrêté quand Stéphanie a raconté qu’elle a songé à se pendre dans le garage et que Keven aurait répondu « chi-ching, j’vais avoir l’assurance ». Voyons. Donc.

Entre une partie de frisbee golf et une visite à la cidrerie, ce n’est pas une édition légère et rigolote de Si on s’aimait encore, loin de là. Le couple formé par Christelle, 39 ans, et Gino, 48 ans, nage aussi dans le ressac de la dépression. Ivre dans un chalet, Christelle, assistante aux stages dans une université montréalaise, a couru dans la neige et s’est jetée dans un lac glacé, possédée par des pensées négatives. Il n’y a pas vraiment de blague à faire là-dessus, contrairement à la toilette lave-cul de Pierre et au cri primal de Lee l’an dernier.

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Christelle et Gino, participants à l’émission Si on s’aimait encore

Quant à Gino, adepte de guitare électrique et de vapoteuse, il a été agressé verbalement et rabaissé par sa tante, qui l’a élevé alors que sa mère en était incapable. Gino rêve de décamper en Gaspésie, cajole ses quatre chats et espère que Christelle prendra, un jour, l’initiative des relations sexuelles.

En attendant, Gino et Christelle observent et commentent, en direct de leur petit balcon, ce qui se passe dans la rue. Comme dans une pièce de théâtre de Michel Tremblay. Il était une fois dans l’est, on dirait bien.

Tous deux âgés de 30 ans, Guillaume et Kathy, de Mirabel, ont apporté un côté plus amusant, plus détendu à l’émission. Mais c’était avant que Guillaume, qui gère une entreprise de taillage de haies, ne révèle ses graves problèmes d’anxiété à Louise Sigouin, de même que sa consommation de marijuana, ce qui lui permet de prendre « un break » de sa tête qui tourne comme la roue d’un hamster.

Et comme Christelle, Kathy, peintre en bâtiment, était en arrêt de travail. Bref, rien de jojo ici non plus.

Dieu merci, Madeleine, 73 ans, Michel, 72 ans, en couple depuis 16 ans, ont débarqué dans nos salons. En chevauchant un tandem, qui a donné mal à la fourche au pauvre Michel, sainte bénite !

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Madeleine et Michel, participants à l’émission Si on s’aimait encore

C’était super attendrissant de les voir regarder leurs émissions du matin, au lit, en mangeant des petits fruits. Michel et sa surdité sélective sont les vedettes de cette deuxième édition de Si on s’aimait encore.

C’est le bon Michel qui a dit à Madeleine : « Je suis d’accord avec tout ce que tu dis, sauf quand tu n’as pas raison. » Une réplique digne de Bouddha ou de Gandhi.

Et c’est Michel qui a popularisé un mot-valise génial pour qualifier Madeleine quand elle parle avec ses « expressions européennes » : snoblesse.

Snob et noble, c’est assurément ma dualité préférée.