Bonjour et bienvenue dans cette autre minisérie de « crime réel » pas particulièrement transcendante, mais qui se dévore comme des croustilles Cape Cod aspergées de vinaigre blanc.

Quoi ? Déjà fini ? Trois épisodes d’une heure d’Ashley Madison : sexe, mensonges et scandale sur Netflix et on touche le fond. De cette histoire vraie, bien sûr, mais également du sac de chips.

La fatigue décisionnelle découlant de l’abondance de nouvelles téléséries, c’est aussi ça. On se fie à l’algorithme de Netflix en sélectionnant un des titres dans le top 10 de la plateforme et, oups, trop tard, le vortex nous aspire.

Par paresse, par ennui ou par pure facilité, on enfile ces docuséries de type « piège à clics » comme Ashley Madison, qui raconte l’ascension et la chute de ce populaire site de rencontres en ligne, sorte de Tinder pour gens mariés infidèles.

C’est à Toronto – quelle fierté canadienne ! – qu’a été conçu ce géant du web, qui comptait 37 millions d’abonnés avant qu’un pirate informatique dévoile, à l’été 2015, les noms et coordonnées de tous les membres tricheurs, dont l’ultra catholique Josh Duggar de la téléréalité de TLC 19 Kids and Counting, ainsi qu’une poignée de politiciens américains de seconde zone.

Le premier épisode d’Ashley Madison, série offerte en anglais et en français, adopte un ton léger pour un sujet quand même lourd. On parle ici de mariages explosés, de violation d’intimité et de vies détruites. Quand la liste des adeptes d’adultère a fuité sur l’internet, un pasteur et professeur émérite de La Nouvelle-Orléans s’est donné la mort dans son garage. Sa veuve témoigne dans la série et c’est bouleversant.

À sa création en 2002, le site Ashley Madison se décrivait comme le leader mondial des saucettes extraconjugales discrètes. Son slogan : « La vie est courte, ayez une aventure ». Ashley Madison garantissait la confidentialité des données de ses utilisateurs, qui y révélaient leurs préférences sexuelles comme leurs numéros de carte de crédit.

Personne – et surtout pas le partenaire trompé – n’a le goût que ces infos privées valsent sur la Toile.

Tous les grands médias (écrits, numériques ou électroniques) ont couvert la montée coquine d’Ashley Madison, parce que son grand patron, Noel Biderman, avait un sens aiguisé du marketing. Une vraie bête de télé.

Noel Biderman créait des publicités osées et accrocheuses pour son site web et visitait tous les plateaux de télé, dont celui du talk-show The View, accompagné de son épouse, à qui il jurait fidélité devant les caméras. Attendez la suite, si vous ne l’avez pas encore devinée.

Noel Biderman embobinait tous les journalistes avec ses réponses percutantes et concises. Il mentait sur la sécurité des serveurs d’Ashley Madison. Il encourageait la création de faux profils féminins. Il employait des robots conversationnels pour berner des clients croyant discuter avec une vraie personne. Bref, il a lui-même orchestré le fiasco qui a torpillé sa carrière.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Nia Rader

Une des parties les plus croustillantes de la docusérie concerne le couple de vlogueurs chrétiens Sam et Nia Rader. Ils sont beaux, ils sont croyants, ils chantent du Frozen dans leur auto, ils ont de beaux cheveux et de beaux jeunes enfants, mais Sam a aussi une vie parallèle grâce à cette petite tannante d’Ashley Madison.

Parenthèse : Ashley Madison n’est pas une vraie « madame » ou une véritable entremetteuse. Elle n’existe pas. Il s’agit d’un nom fictif qui a été créé en combinant les deux prénoms les plus populaires en Amérique du Nord, il y a une vingtaine d’années, Ashley et Madison. Voilà.

Mais revenons à Sam Rader, un infirmier de salle d’urgence de Dallas, au Texas. Sans tabou, il déballe son sac à la caméra, ce qui prend du courage ou un gros ego, ce n’est pas clair, et la fin du deuxième épisode renferme un punch qui nous force quasiment à finir la série d’un coup. Nia Rader, l’épouse filoutée, témoigne également, mais pas dans le même décor que son mari. Ashley Madison a-t-elle eu raison de la foi inébranlable des jolis Rader ?

Le volet criminel de la série manque de coffre et de revirements. Quand l’attaque informatique se produit, deux cyberenquêteurs suédois débarquent en renfort dans les locaux d’Ashley Madison, au centre-ville de Toronto, comme dans un film d’espionnage. Dans nos salons, on se frotte les mains d’anticipation. Ces deux experts européens, qui ressemblent à des personnages de polars scandinaves, vont vite identifier le pirate qui se cache sous le pseudonyme The Impact Team.

On attend le gros retournement final qui, hélas ! ne se pointera jamais. Aucun suspect crédible n’est identifié et personne ne sait, encore aujourd’hui, qui a piraté Ashley Madison et pourquoi.

C’est d’ailleurs le plus grand défaut de la majorité des émissions de « true crime » qui pullulent sur les plateformes numériques : aucune ne réussit à rouvrir des enquêtes policières ou à élucider des crimes qui dorment dans le classeur des cas non résolus.

Vous ne ressortirez pas grandi ou transformé du visionnement d’Ashley Madison, on ne se mentira pas ici. Mais vous aurez assurément le goût de changer vos mots de passe sur Hinge ou Bumble. Une fuite non colmatée est si vite arrivée.