Quand les épisodes d’In Memoriam sortaient les jeudis, ce thriller glauque grimpait au premier rang des séries les plus populaires sur la plateforme Crave. D’un océan à l’autre. Anglais et français confondus.

Donc, les abonnés canadiens de Crave à Calgary ou à Halifax voyaient, eux aussi, ce suspense psychologique d’ici se cramponner au sommet du palmarès devant des titres prestigieux de HBO comme Hacks, The Jinx ou The Sympathizer. Comme quoi la télé originale et audacieuse fabriquée au Québec, ça fonctionne fort. Et pour citer Véronique Cloutier à son émission radiophonique du retour à la maison sur Rouge FM : c’t’à nous autres, ça !

« C’est ma plus grande fierté d’avoir un succès critique et un succès auprès du public. J’ai coché un item sur ma bucket list. Si ma carrière de scénariste s’arrêtait aujourd’hui, je serais content et je pourrais mourir en paix », me raconte le créateur d’In Memoriam, Pierre-Marc Drouin (Doute raisonnable).

Pierre-Marc Drouin, qui a développé In Memoriam avec Jean-Philippe Baril Guérard, avant de recruter Pascale Renaud-Hébert, a même commandé un gros néon d’In Memoriam, qu’il a accroché au mur de son gym personnel, à la maison. À mi-chemin entre Succession et Squid Game, In Memoriam a longtemps porté le titre de travail d’Animaux noirs.

Maintenant, pour les retardataires qui n’ont pas encore visionné le huitième et dernier épisode d’In Memoriam, l’alerte au divulgâcheur résonne ici comme la terrifiante comptine qui a envahi le manoir rococo de la famille de Léry au troisième épisode.

Tombe, tombe, petite feuille, le vent soufflera bien vite ! C’est bon ?

Les héritiers de l’homme d’affaires sadique Paul-Émile de Léry (Bruno Marcil) qui ont réussi à transcender et à accepter leurs blessures d’enfance ont raflé une partie du magot de 84 millions. La toxicomane Judith de Léry (Catherine Brunet) a compris qu’elle a tué par accident sa maman Mathilde (Catherine Bérubé) en visant son père maniaque, et personne ne lui a fait de reproches.

IMAGE FOURNIE PAR BELL MÉDIA

Mani Soleymanlou et Evelyne Brochu dans une scène d’In Memoriam

L’avocate Lucile de Léry (Evelyne Brochu) a retiré sa carapace et a enfin montré sa vulnérabilité, notamment à son copain Victor (Mani Soleymanlou). Quant à Julien de Léry, il a avoué avoir été à l’origine de l’arrestation de sa mère, à la station-service, en plus d’assumer les conséquences de la fraude qu’il a commise en Suisse.

Et pourquoi l’entraîneur Andrew (Thomas Antony Olajide) a-t-il pu participer aux six étapes de ce tournoi de torture – physique et mentale – minutieusement concocté par Paul-Émile de Léry ? Parce que le patriarche de Léry savait que la présence d’Andrew déchirerait ses deux fils gais, qui l’ont fréquenté chacun à son tour.

Deux frères gais dans une série, sans qu’ils deviennent le point central de l’intrigue, c’est déjà rare. Deux frères gais qui couchent avec le même gars, il y a de quoi susciter la jalousie et la folie.

Le cardiologue Mathieu de Léry (Éric Bruneau) est celui qui a tout perdu dans In Memoriam. Le fric, l’amour, son frère et ses deux sœurs. In Memoriam aurait pu s’appeler De père en psychopathe tellement Mathieu a reproduit la violence, la manipulation et la cruauté qu’il a vues chez son père.

C’est Mathieu qui a étranglé le chien familial, geste pour lequel Lucile a été sauvagement battue à coups de laisse par Paul-Émile. C’est aussi Mathieu qui a été blâmé pour l’arrestation de Mathilde, alors que c’est Julien qui s’est ouvert la trappe.

Au fil des huit épisodes, Mathieu a drogué sa sœur Judith à la dextroamphétamine, il a orchestré l’assassinat du copain revendeur de fentanyl Arnaud (Robin L’Houmeau), il a battu son amoureux, et pourtant, ce n’est pas lui que j’ai le plus haï dans la série.

C’est Judith qui m’a le plus tapé sur les nerfs. De loin. Je le sais, elle portait un lourd trauma, elle n’était pas foncièrement méchante, bla, bla, bla, mais doux Jésus que ses crises de larmes, sa détresse constante et ses allers-retours à la chambre de motel d’Arnaud m’ont gossé. C’est elle que j’aurais sacrée en bas du balcon, on dirait. Pas Farah (Nour Belkhiria).

Les trois premiers épisodes d’In Memoriam ont renfermé des scènes glaçantes comme celle des chiens à abattre ou celle des lettres compromettantes que les concurrents ont dû lire à voix haute.

Les quatrième et cinquième épisodes, qui se déroulent en mode gestion de gestion de crise, ont ralenti la cadence et ont été moins suffocants. Au sixième épisode, celui du jus d’orange, on renoue avec l’aspect tendu et anxiogène de la série et c’était un pur délice dans toute sa perversité.

Pousse, pousse, petit bourgeon, le soleil reviendra bien vite.

Je lévite

Avec Rue Duplessis, de Jean-Philippe Pleau

Un roman ? Un récit ? Un essai ? Ce livre touchant et frontal incorpore tous ces éléments sur 328 pages parfois très dures, mais d’une honnêteté admirable. L’auteur, sociologue et animateur à Radio-Canada (Réfléchir à voix haute) y raconte son enfance passée à Drummondville dans une grande pauvreté financière, culturelle et intellectuelle, puis son ascension dans l’univers bourgeois, dont il ne maîtrise pas encore tous les codes. Le cul entre deux chaises, comme il le dit lui-même. C’est cru, bouleversant, implacable et émouvant. Comme l’œuvre d’Annie Ernaux ou celle d’Édouard Louis, que l’auteur cite abondamment. Un livre vrai.

Je l’évite

La couette tressée à la télé

Est-ce l’influence de la mode des années 1990 qui refuse de débarrasser le plancher ? Ou d’un restant de band de reggae ? Toujours est-il qu’on assiste ce printemps au grand retour de la couette de cheveux en tresse, qui se porte sur un coco rasé. On la voit actuellement sur la tête de Gino à Si on s’aimait encore, ainsi que sur celle de Ricky de Survivor Québec. L’effet voulu est sûrement celui d’un Viking, mais, au bout du compte, on se rend compte que le résultat évoque davantage Émilie Laurin de Watatatow.