À quelques mois de la fin de son second mandat, le président-directeur général du Musée de la civilisation annonce qu’il ne sollicitera pas un renouvellement de fonctions. C’est ce qu’il m’a confirmé lors d’un entretien que j’ai eu avec lui plus tôt cette semaine.

« Le président du conseil d’administration m’a demandé l’été dernier si je voulais poursuivre. J’ai demandé de pouvoir réfléchir jusqu’en janvier, ce que j’ai fait avec mon conjoint. Je suis arrivé à la conclusion que c’était le temps de passer le flambeau. Il n’y a jamais de bon moment pour partir, mais aussi bien le faire quand tout va bien. »

En effet, Stéphan La Roche laisse la direction de ce musée, l’un des joyaux de la ville de Québec, après une décennie auréolée de succès (Hergé à Québec, La tête dans le nuage, Unique en son genre, Lutte. Le Québec dans l’arène, Ô merde !), mais aussi marquée par la crise de la COVID-19.

« Étrangement, cette période m’a procuré des émotions aussi négatives que positives. On a fermé et ouvert trois fois. Vous imaginez ce que ça représente pour les employés. Il y a des projets qui n’ont pas vu le jour. Notre équipe a été tellement résiliente que nous sommes ressortis plus forts de ça. »

Arrivé en poste en 2015, Stéphan La Roche a contribué au rayonnement de ce lieu qui réussit à créer un bon équilibre entre des expositions à caractère universel (Le temps des pharaons, Pompéi. Cité immortelle) capables de séduire les touristes et d’autres qui abordent des thèmes plus proches de la société québécoise.

Mais attention, on se rend compte que les touristes s’intéressent beaucoup au Québec. S’ils viennent nous voir, c’est parce qu’ils veulent en apprendre davantage sur nous. Les Français, les Américains ou les Mexicains fréquentent beaucoup ces expositions. C’est le reflet de ce que nous sommes.

Stéphan La Roche

Lorsque Stéphan La Roche a pris la direction du Musée de la civilisation, il s’est retrouvé avec un établissement en santé, mais qui avait des défis financiers. « Nous sommes en 2015, une période de grandes compressions en culture et dans d’autres domaines. Il y avait un déficit accumulé ; 2016 a été une année de transition. Puis est arrivée l’exposition Hergé à Québec qui a remporté un énorme succès. Cela a créé une grande fréquentation, donc un accroissement des revenus, des abonnements et des commanditaires. »

On peut donc dire que Tintin est venu à la rescousse du Musée de la civilisation de Québec ! « On peut dire ça, dit-il en souriant. En tout cas, il a contribué à sa relance. À partir du moment où on a une situation budgétaire qui est réglée, on peut se consacrer à d’autres priorités de développement. »

Le Musée de la civilisation d’il y a dix ans n’est pas celui d’aujourd’hui. Stéphan La Roche explique cela par le changement constant auquel doivent se soumettre les lieux qui se consacrent à l’histoire des sociétés.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’exposition Sur paroles. Le son du rap queb, présentée au Musée de la civilisation

Pour être pertinent, un musée comme le nôtre doit évoluer en même temps que la société. Nous changeons, le musée doit changer.

Stéphan La Roche

« Les questions d’inclusion, de diversité et d’écoresponsabilité, tout cela a un impact sur nos choix », dit celui qui aura à travailler au développement du futur Musée national d’histoire du Québec. Le mandat de cet établissement suscite pour le moment plusieurs interrogations.

Le rôle d’un musée est de mettre en valeur ses collections, mais aussi de continuer à les enrichir. Le PDG s’enorgueillit de pouvoir conserver la collection de la succession de Réjean Ducharme. Dans quelques années, les visiteurs pourront voir l’atelier et la pièce où travaillait le célèbre auteur et artiste visuel. Le Musée de la civilisation possède aussi la collection de la famille Lépine des maisons funéraires Lépine Cloutier.

Stéphan La Roche souligne aussi la place aujourd’hui occupée par les technologies numériques dans son musée. J’en profite pour lui dire que ce terme est souvent galvaudé et qu’à sa moindre évocation, on pense pouvoir attirer un public plus jeune.

« Ça plaît aux jeunes et aux autres publics, c’est vrai. Mais il faut aussi savoir que les jeunes ne sont pas juste intéressés par le numérique. Un musée demeure un endroit où l’on présente des objets, des artéfacts ou des œuvres d’art. Il faut une mixité pour avoir une expérience enrichissante. Un musée est un lieu de crédibilité et il faut qu’il le demeure. »

Avocat de formation, Stéphan La Roche s’est dirigé tôt dans sa carrière vers le monde des arts et de la culture. Avant d’arriver au Musée de la civilisation, il a œuvré au sein du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Avant cela, il a été directeur général du Bureau de la Capitale-Nationale de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). Il a également travaillé à la relance du Palais Montcalm de Québec avant d’être nommé directeur des Services culturels à la Délégation générale du Québec à Paris, de 2001 à 2004.

Difficile de croire qu’après avoir quitté le Musée de la civilisation, ce gestionnaire doté d’une grande expérience dans le domaine de la culture se retrouve devant un horizon incertain. « Beaucoup de choses m’intéressent. Je ne tourne pas le dos à la muséologie, mais je regarde autour de moi. Pour le moment, je prends un pas de recul. »

Stéphan La Roche quittera officiellement son poste à la fin de 2024 lorsque le processus de sélection de la personne qui lui succédera sera achevé. D’ici là, il va préparer avec ses équipes les expositions que nous pourrons voir cet été (Le Québec autrement dit et Gladiateurs : Héros du Colisée), de même que d’autres prévues en 2025 et en 2026 (Titanic, l’exposition et Le plaisir).