Nommé 12 fois aux Césars, Le règne animal, drame fantastique de Thomas Cailley, nous propulse dans un monde où une mystérieuse épidémie transforme les êtres humains en animaux. Aux côtés de Romain Duris, Paul Kircher, nommé dans la catégorie du meilleur espoir masculin, y incarne un garçon de 16 ans qui part à la recherche de sa mère.

Le point de départ du Règne animal semble être celui d’un film d’horreur. Transformés en animaux par un mal mystérieux, des êtres humains s’étant échappés d’un convoi les menant vers un centre hospitalier pour mutants se réfugient dans la forêt par crainte d’être abattus par la population. Écrit avec Pauline Munier, le scénario du second film de Thomas Cailley (Les combattants) prend cependant un tout autre virage.

« Pour moi, c’est une fable qui est un peu utopique parce que l’idée qui est proposée derrière, c’est celle d’une reconnexion à un monde plus grand où il y a une acceptation de l’autre, explique le réalisateur, rencontré aux Rendez-vous d’Unifrance à Paris, en janvier. La base de la biodiversité, c’est l’acceptation de l’autre et de toutes les formes d’existence du vivant. Je ne voulais surtout pas en faire un film tragique sur l’impossibilité de vivre ensemble, mais dire au contraire qu’on découvre un monde qui se revitalise, qui devient de plus en plus riche, de plus en plus coloré, vivant, habité. Moi, ça me plaît bien comme avenir. »

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Paul Kircher dans Le règne animal, de Thomas Cailley

Parmi ceux que les uns appellent créatures et les autres bestioles se trouve Lana (Florence Deretz), femme de François (Romain Duris) et mère d’Émile (Paul Kircher, fils des acteurs Irène Jacob et Jérôme Kircher, découvert dans Le lycéen, de Christophe Honoré). Afin d’être près du centre hospitalier où Lana devait se rendre, le quadragénaire et son fils de 16 ans ont quitté Paris pour le sud du pays. À couteaux tirés avec son père, Émile observe bientôt des changements chez lui, lesquels ne passeront pas inaperçus aux yeux des autres lycéens.

« J’ai accueilli le scénario de Thomas avec joie, raconte l’acteur, qui concourt aux Césars dans la catégorie du meilleur espoir masculin contre son frère cadet Samuel, révélé dans L’été dernier, de Catherine Breillat. C’est très excitant comme rôle. Avec Thomas, on avait beaucoup de temps avant le tournage pour me préparer, pour explorer les thématiques et le trajet du personnage. Il y a des choses très précises dans ce qu’Émile vit. »

Outre une fable sur la diversité faisant l’éloge de la différence, une réflexion sur l’avenir de la planète, Le règne animal est également un récit d’apprentissage et une métaphore de l’adolescence.

« La question qui se pose plus largement dans le film, c’est celle de l’émancipation d’Émile, ce qui permet d’explorer aussi comment quitter sa famille, affirme Thomas Cailley. Évidemment, la mutation attaque d’abord son corps, et François, le père, découvre son enfant comme étant différent de ce qu’il pensait être, ce qui est, à mon avis, une découverte que font tous les parents à l’adolescence de leurs enfants. »

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Le réalisateur Thomas Cailley sur le plateau du Règne animal, son deuxième long métrage

« Au début, Émile bride un peu ces changements, il essaie de les contrer, de les annuler, de se cacher, dit l’acteur de 22 ans. Au bout d’un moment, il y a un désir qui naît, qui devient très puissant d’accepter ce qu’il devient, qui devient plus fort que la honte qu’il éprouvait au début parce qu’il change aussi à l’intérieur. »

Une communauté à redéfinir

Tandis qu’il cherche sa mère dans la forêt, après avoir échappé à la vigilance de son père et d’une policière bienveillante (Adèle Exarchopoulos), qui préfère l’appellation victime à créature, Émile fera la rencontre de Fix (Tom Mercier), homme-oiseau, et de la petite Grenouille (Maëlle Benkimoun), fillette-caméléon.

« Il y a un début de communauté, une harmonie, une possibilité de cohabiter pacifiquement, révèle le réalisateur. Ce qui n’a pas l’air d’être le cas ou semble plus compliqué dans le reste de la société. Ils veillent un peu les uns sur les autres. Ce que j’aimais bien, c’est qu’ils sont à trois moments différents de leur mutation. Émile est au début ; Fix est au milieu et la question du langage commence à se poser ; et Grenouille est déjà passée à autre chose. En soi, ils dessinent le futur. »

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Adèle Exarchopoulos et Romain Duris dans Le règne animal

« Émile n’a plus vraiment de famille et donc, avec cet homme-oiseau, ça lui permet un moment de se raccrocher à un wagon, explique Paul Kircher. C’est aussi ça qui lui donne de plus en plus envie de devenir animal. »

Comme n’importe quelle personne qui rejoint une nouvelle famille, [Émile] essaie de mimer un peu les autres. Je pouvais donc m’amuser avec le désir de mimer d’autres animaux, mais c’était quelque chose qui était à l’intérieur, comme un instinct qui s’exprime.

Paul Kircher

Au fil de ses escapades en forêt, l’adolescent découvrira toute une nouvelle faune : « Ce n’est pas un retour à l’état de nature, mais un nouvel état de l’humanité, dévoile Thomas Cailley. Au scénario, on a essayé de taper dans tous les spectres de la classification des espèces, de ne rien oublier. On a des arthropodes, des volatiles, des batraciens, des mammifères… Ensuite, on s’est beaucoup adapté au physique des acteurs pour trouver plus précisément quelles espèces ils allaient être. Plus on avançait vers le tournage, plus on s’est senti libre que les personnages mutent vers quelque chose d’indéfini, que ça devienne quelque chose de plus merveilleux. »

Malgré son titre, ce que l’on retient du Règne animal, c’est l’humanité qui s’en dégage, la puissance des liens familiaux et la résilience de l’humain face à un monde en mutation.

« On m’a posé beaucoup de questions sur le genre du film ; le premier genre que je voulais, c’est le mélo. J’avais très envie que ce soit un mélo fantastique. Il y a toute une dimension aventure qui est importante, mais toute la structure de la dramaturgie du film est tressée autour de la relation entre le père et le fils, qu’ils soient ou pas ensemble. J’avais très envie que ce soit un film où les gens se prennent dans les bras et se disent qu’ils s’aiment », conclut Thomas Cailley.

En salle le 9 février

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Qui est Thomas Cailley ?

Né à Clermont-Ferrand en 1980, ayant étudié en science politique et en gestion, Thomas Cailley rentre en section scénario à la FEMIS (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) en 2007.

En 2010, il signe un premier court métrage, Paris Shanghai, pour lequel il obtient le prix du public aux festivals de Kyiv et de Lisbonne.

Après avoir collaboré à l’écriture de quelques longs métrages, il tourne en 2014 son premier long, Les combattants, lequel lui vaut trois prix au Festival de Cannes.