Dans Bernadette, premier long métrage de Léa Domenach, Catherine Deneuve prête ses traits à l’ex-première dame de France Bernadette Chirac, perçue par le public et par son entourage comme sèche, froide et hautaine. Un rôle que la grande dame du cinéma français incarne à merveille.

Au cours de sa remarquable carrière s’échelonnant sur plus de 60 ans, Catherine Deneuve, qui a célébré ses 80 ans en octobre, a très peu joué de personnages ayant existé. Certes, l’impériale actrice a incarné quelques têtes couronnées au grand comme au petit écran, telles Anne d’Autriche dans D’Artagnan (2001), de Peter Hyams, Marie Bonaparte dans Princesse Marie (2004), de Benoît Jacquot, et Catherine II de Russie dans God Loves Caviar (2012), de Yannis Smaragdis. Toutefois, les films biographiques, très peu pour elle, merci !

« Non, pfff ! », s’exclame au téléphone celle qui enfile les tailleurs Chanel de Bernadette Chirac dans le premier long métrage de Léa Domenach. « J’ai accepté de la jouer parce que c’était une comédie, que ce n’était pas un biopic au sens le plus complet. C’est quand même quelque chose de très différent et c’est ça qui m’a plu. En grande partie, ce qui me plaisait, bien sûr, c’est que c’est une histoire de revanche. Si ça avait été juste fait sérieusement pour réellement raconter sa vie, ça ne m’aurait pas intéressée. »

Dans cette satire ludique et décalée qu’est Bernadette, Catherine Deneuve se montre d’une grande aisance dans le registre comique. À la voir se délecter à chaque pique qu’elle lance à ses partenaires à l’écran, on regrette qu’elle n’ait pas joué plus souvent dans des comédies. « Parce qu’il n’y en a pas assez », affirme-t-elle.

C’est très difficile d’écrire un scénario de comédie. En fait, c’est très rare, malheureusement, parce que ça m’aurait beaucoup plu [d’en jouer davantage].

Catherine Deneuve

Bernadette Chirac, née Chodron de Courcel, entre à l’Élysée en 1995 lorsque son mari, Jacques Chirac (Michel Vuillermoz), succède à François Mitterrand. À peine la première dame de France a-t-elle le temps de savourer la victoire du nouveau président de la République que leur fille Claude (Sara Giraudeau) lui fait comprendre qu’elle devra se faire discrète. Or, avec la complicité de Bernard Niquet (Denis Podalydès), son directeur de cabinet, elle deviendra la coqueluche du peuple français.

PHOTO FOURNIE PAR CINEMANIA

Michel Vuillermoz et Catherine Deneuve dans Bernadette

Soigne ta droite

Femme de gauche ayant milité pour le droit à l’avortement, allant jusqu’à signer le « manifeste des 343 salopes » en 1971, et pour l’abolition de la peine de mort dans les années 1980, Catherine Deneuve, qui, en 1985, a prêté ses traits à Marianne, symbole de la République française, n’a pas connu la femme du chef du Rassemblement pour la République (RPR), parti de droite se réclamant des idées politiques du général de Gaulle.

« Je l’ai croisée deux ou trois fois, mais je n’ai jamais déjeuné ni dîné avec elle », précise-t-elle.

Je savais ce que je pense toujours, c’est-à-dire que c’est une femme vraiment intelligente, cultivée, qui a un esprit assez sec, qui peut être assez froide, mais qui a de l’humour. Beaucoup de gens qui ne l’ont pas connue parlaient toujours d’une femme froide et sèche, chose qui malheureusement se disait avant tout.

Catherine Deneuve, au sujet de Bernadette Chirac

N’ayant pas souhaité se plonger dans la recherche d’archives et d’entrevues avant le tournage, Catherine Deneuve révèle que c’est en lisant Conversation (Plon, 2001), où Bernadette Chirac se confie au journaliste Patrick de Carolis, qu’elle en a le plus appris sur son personnage, qui avait affirmé en 2015 que son union avec Jacques Chirac « n’était pas qu’un mariage d’amour, mais un mariage d’ambition ».

PHOTO BRYNN ANDERSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Catherine Deneuve au festival de Cannes, en 2021

« Non, ce n’était pas plus qu’un mariage d’amour ! croit l’actrice. Pourquoi dites-vous ça? Oh non, non ! Elle était très amoureuse de son mari, et franchement, ça ne devait pas être si facile pour elle. Je pense que l’ambition, elle l’avait pour lui, mais pas pour elle. Elle a vécu aussi des choses que j’imagine dures et difficiles avec sa fille et son mari, donc par moments, je pense que son caractère devenait beaucoup plus fermé. »

De fait, à la demande de sa fille Claude, conseillère de son père de 1989 à 2007, Bernadette Chirac, jugée ringarde avec ses tenues pastel et gênante avec son franc-parler, a dû changer son image et soigner son langage. « Selon sa fille, elle faisait des choses qui étaient trop directes, alors voilà, elle l’a fait changer, car en politique, il faut toujours être diplomatique. »

N’accusant aucune ressemblance avec Bernadette Chirac, Catherine Deneuve n’a pas cherché à imiter l’ex-première dame. D’abord revêche et acariâtre, sa Bernadette s’avère par la suite presque attachante, voire touchante.

« C’était le choix de la réalisatrice, dit l’actrice humblement. Je n’avais pas vraiment d’idée sur elle avant de la jouer. Ce qui me reste, c’est ce qui a été développé dans le projet, les choses qu’elle avait faites que j’ai lues dans le livre, donc je ne l’ai pas approchée beaucoup plus que ça. »

Au cinéma Impérial le 12 novembre, 11 h, dans le cadre de Cinemania

En salle le 17 novembre

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