Dans Le procès Goldman, présenté en ouverture de Cinemania ce mercredi, Cédric Kahn fait revivre les grands moments du second procès de Pierre Goldman, Juif laïque et militant d’extrême gauche, accusé d’avoir assassiné deux pharmaciennes lors d’un braquage.

Né dans une famille juive de gauche, Cédric Kahn connaissait depuis longtemps l’affaire Pierre Goldman, auteur de plusieurs livres, dont Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France (Points, 1975).

« J’ai toujours vu ce livre traîner chez mes parents, même si ma mère m’a dit il y a 10 jours qu’ils n’avaient jamais eu ce livre. J’ai toujours su que Jean-Jacques Goldman avait un demi-frère un peu sulfureux, qu’il était d’extrême gauche, qu’il avait eu un procès, qu’il avait été assassiné à 35 ans, mais je ne savais pas grand-chose », raconte le cinéaste de passage à Cinemania pour y présenter Le procès Goldman et Making of, où il raconte un tournage difficile.

Campé en avril 1976, Le procès Goldman relate les grands moments du second procès de ce fils d’immigrés juifs polonais engagés dans la Résistance. Ayant déclaré être coupable de trois braquages, il affirme ne pas avoir commis un quatrième braquage au cours duquel deux infirmières ont trouvé la mort. Dans la salle d’audience, le public est divisé. Par moments, ce procès fortement médiatisé à l’époque semble faire écho à l’affaire Dreyfus, celle de ce capitaine juif accusé de trahison, qui avait divisé la France à la fin du XIXsiècle.

« En tout cas, c’était la stratégie de Goldman, d’être comparé à l’affaire Dreyfus, mais évidemment, ça n’avait rien à voir », affirme Cédric Kahn.

L’intelligence de Goldman, c’est d’avoir politisé son procès parce qu’en fait, c’est un meurtre crapuleux, un braquage qui tourne mal et non une affaire politique. À moins qu’il ait braqué pour la révolution, mais ça, il ne le dit pas.

Cédric Kahn

Aux côtés du révolutionnaire aussi charismatique qu’antipathique, incarné avec brio par Arieh Worthalter, on trouve trois avocats qui mettront en lumière l’antisémitisme des policiers, maîtres Georges Kiejman (Arthur Arari, coscénariste d’Anatomie d’une chute, de Justine Triet), Francis Chouraqui (Jeremy Lewin) et Émile Bartoli (Christian Mazzucchini).

« En France, c’est un sujet tabou, mais c’est un vrai problème, le racisme. Et ce n’est pas que dans la police. Je suis toujours un peu gêné qu’on me dise que la gauche politique, par confort, par opportunisme, par électoralisme, ne vise toujours que le racisme de la politique. Le courage pour moi, c’est de viser le racisme dans l’entièreté de la société. »

« Un faux documentaire »

Les transcriptions du procès n’étant pas accessibles, c’est à partir d’articles de journaux que la coscénariste Nathalie Hertzberg a reconstitué les témoignages : « On nous a dit qu’elles n’existaient pas à l’époque et que les greffiers auraient commencé à noter plus tard dans les années 1980. Le film est une fiction, je veux dire, c’est une sélection, un concentré. Il y a même des choses qu’on a ajoutées qui n’étaient pas présentes au moment du procès. On n’a pas pris des libertés, mais on a ajouté des extraits de livres. »

Friand de drames judiciaires, Cédric Kahn s’est inspiré de documentaires pour Le procès Goldman. Citant Le procès d’Adolf Eichmann, de Michaël Prazan, et Un spécialiste, portrait d’un criminel moderne, d’Eyal Sivan, il avoue qu’il a suggéré aux acteurs de regarder le procès d’O. J. Simpson : « Je trouve ça génial, ces images de la justice tournées en direct à la télévision. On n’a pas ça en France. »

S’il semble y avoir un souci d’authenticité tant dans la reconstitution d’époque que dans les propos tenus à la cour et le jeu des acteurs, le cinéaste se défend bien d’avoir voulu signer un film réaliste.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Cédric Kahn

En fait, le film est conçu comme un match de tennis. Pour moi, l’enjeu, c’était d’attraper le spectateur et de l’immerger, qu’il ait le sentiment d’assister à un procès. Je voulais fabriquer par l’entremise de la fiction des images d’un procès français. C’est fait comme un faux documentaire.

Cédric Kahn

« Les avocats qui l’ont vu ont trouvé mon film très, très bordélique, même si c’était un procès qui n’était pas très bien tenu et que la salle était très bruyante. Il faut dire aussi que j’ai beaucoup de mal avec les règles… Quand je suis venu au Québec pour tourner Une vie meilleure, c’était très difficile de m’adapter à la façon de tourner. »

Cédric Kahn n’a pas non plus la prétention de signer un devoir de mémoire. Tout au plus un témoignage de l’époque qui fait écho à la nôtre. « Quand on fait un film en 2023 sur Goldman, est-ce qu’on convoque les années 1970 ou ce que Goldman convoquait alors ? En parlant du racisme des années 1970, d’une France divisée, il faisait référence à l’Occupation, à la Collaboration par rapport à la Résistance. De là, la perspective est sans fin. Aujourd’hui, à nouveau, en France, l’extrême droite n’a jamais eu autant d’électeurs. Pour moi, c’est le plus grand problème de la France aujourd’hui. En fait, c’est un phénomène mondial. »

Le procès Goldman est présenté au cinéma Impérial le 1er novembre, à 18 h 30, et au cinéma du Musée le 2 novembre, à 15 h. En salle le 3 novembre.

Making of est présenté au cinéma du Musée le 1er novembre, à 11 h 30, et à la Cinémathèque québécoise le 2 novembre, à 17 h 30.

Consultez le site de Cinemania

Qui est Cédric Kahn ?

Acteur, scénariste et réalisateur né à Paris en 1966, Cédric Kahn fait ses débuts au cinéma comme stagiaire au montage de Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat.

Après avoir réalisé deux courts métrages et cosigné quelques scénarios, il tourne son premier long métrage, Bar des rails, en 1993.

Enfin, il accède à la notoriété grâce à L’ennui (1998), adaptation du roman d’Alberto Moravia, et à Roberto Succo (2001), d’après la vie d’un tueur en série italien.