Depuis sa présentation à Sundance en janvier dernier, le drame d’épouvante australien Talk to Me (Parle-moi, en version française) n’a laissé personne indifférent. La Berlinale a frémi d’effroi et ce fut au tour de Fantasia d’être terrorisé.

« C’est complètement fou, la réaction du public, avoue son coréalisateur Danny Philippou, rencontré à Montréal le lendemain de la première canadienne du film. Ce qui est intéressant, c’est que ce ne sont pas tous les pays qui réagissent de la même façon. Par exemple, chez vous, les gens riaient aux endroits les plus sinistres ! »

Dans une année déjà bien pourvue en longs métrages de possession (il y a eu The Pope’s Exorcist, Insidious : The Red Door et bientôt une autre suite au classique The Exorcist), Talk to Me met de l’avant l’obsession de la jeunesse pour les médias sociaux. Ainsi, des adolescents acceptent de se faire filmer lorsqu’ils se font volontairement posséder. Cela est possible en serrant une main de plâtre et en invitant l’esprit d’un défunt en nous.

« Si ça pouvait arriver, je suis certain que c’est de cette façon que réagiraient les jeunes gens », maintient en riant Danny Philippou.

Il y a une curiosité morbide et obsessionnelle pour les médias sociaux. Moi, en tout cas, je serrerais sans aucun doute cette main !

Danny Philippou, réalisateur

C’est ce que fait Mia (Sophie Wilde), l’héroïne du récit, trop heureuse de pouvoir enfin mettre sa souffrance de côté et de vivre de nouvelles émotions fortes. Jusqu’au jour où elle entre en contact avec l’esprit de sa mère qui est morte…

Oser la complexité

« Je voulais aborder des sujets qui me font peur, confie Danny Philippou, qui a coscénarisé le film avec Bill Hinzman. Ma famille a eu des problèmes avec la dépression et la maladie mentale et de mettre ça sur papier m’a libéré. Je pouvais exprimer ma vulnérabilité et ça m’a procuré une grande paix. »

Le résultat contraste avec RackaRacka, la populaire chaîne YouTube qui a rendu les frangins célèbres. Le ton est plus sombre et les thèmes, d’une étonnante maturité.

Consultez la chaîne YouTube des frères Philippou

« Ce qu’on regarde est très différent de ce qu’on fait sur YouTube », révèle Michael Philippou, qui adore The Exorcist et Onibaba, et qui s’est inspiré pour l’occasion du mélange de genres qu’offrait Bong Joon-ho sur Memories of Murder. « On aime le drame, les histoires fortes et les personnages développés. Je ne pouvais m’exprimer personnellement sur ma chaîne, car je craignais de faire peur à mes fans. »

PHOTO MICHAEL BUCKNER, DEADLINE, FOURNIE PAR A24 FILMS

Danny et Michael Philippou

Ce ne sont pourtant pas eux qui ont d’abord été effrayés par ce projet. À l’origine, Talk to Me devait être produit par un studio hollywoodien et mettre en scène une actrice réputée.

« Mais nous recevions des notes d’eux et nous commencions à craindre le pire, se rappelle Michael Philippou. Et il y a toutes ces histoires qu’on a entendues de réalisateurs qui se sont fait avoir. Je ne sais pas si c’est ce qui allait arriver, mais nous ne voulions pas courir de risque. Nous nous soucions de chaque moment du film, de chaque image. Nous ne voulions surtout pas perdre le contrôle créatif. »

Célébrer l’intégrité

Le long métrage a donc été créé de façon indépendante, en toute liberté, avec un soin particulier apporté aux effets visuels pratiques. La grande violence est au service du propos, les moments malsains se succèdent et il n’y a rien pour altérer la vision du duo.

« Le travail de Jennifer Kent [réalisatrice australienne] nous a influencés, admet Michael Philippou, qui a œuvré avec son frère sur son saisissant long métrage The Babadook. C’est la première fois qu’on voyait un cinéaste se soucier réellement de ce qu’il faisait. Rien ni personne ne pouvait la détourner de ce qu’elle voulait. Cela nous a beaucoup inspirés. »

Les jumeaux ont insisté pour que l’actrice australienne Sophie Wilde défende le rôle principal. La comédienne de 25 ans, qui a pris part à quelques séries télévisées (dont Tom Jones et Eden), est une véritable révélation.

« Nous avons probablement perdu de l’argent en n’embauchant pas un grand nom, mais ça le valait amplement, laisse savoir Danny Philippou. Les gens ne le savent pas encore, mais Sophie est déjà une star. »

« Nous sommes fiers de la faire découvrir au reste du monde, renchérit Michael Philippou. Elle est si douée et elle peut jouer toutes les émotions… Peut-être qu’une des raisons du succès du film, c’est que les personnages sont humains et que tout le monde peut s’identifier à eux. »

Talk to Me prend l’affiche en français et en anglais le 28 juillet