L’histoire de Billie, ses coups de soleil, son premier coup de foudre et sa fameuse première fois, c’est un peu (beaucoup) la sienne. À quelques jours de l’arrivée au grand écran de Cœur de slush, l’autrice et scénariste Sarah-Maude Beauchesne a accepté de revenir avec nous sur les lieux du crime.

Façon de parler, on s’entend. Soyons clairs, il n’y a pas l’ombre d’un crime dans ce récit, sauf, bien sûr, si l’on considère la consommation d’une certaine boisson bleue trop sucrée comme une forme de délit ! Cela dit, ce serait passer à côté d’une histoire très sentie, qui respire à plein nez l’adolescence, la quête de l’amour et, finalement, la quête de soi. Slush à la framboise bleue incluse, on l’aura compris.

Bande-annonce de Cœur de slush

Son paradis en Estrie

Sarah-Maude Beauchesne a grandi dans le coin de Bromont. Elle vient en prime (coïncidence ?) de s’y réinstaller pour de bon, dans une coquette maison à Knowlton. Si plusieurs scènes du film, inspiré de son roman et réalisé par Mariloup Wolfe, en salle le 16 juin, ont été tournées à Saint-Sauveur, c’est ici, en Estrie, que l’autrice nous a donné rendez-vous, un petit matin ensoleillé de mai, pour revenir sur sa jeunesse à elle. Ses 16 ans. Ses grands questionnements.

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Sarah-Maude Beauchesne se souvient de ses 16 ans.

J’ai tellement de souvenirs ici !

Sarah-Maude Beauchesne, autrice et scénariste, à propos de Bromont

Du parc aquatique de Bromont au chemin Saxby, qu’elle arpentait matin et soir, adolescente, pour se rendre à son boulot de sauveteuse, l’autrice de Lèche-vitrines et Maxime (la suite de Cœur de slush, écrit dans sa vingtaine, dont on nous promet aussi une adaptation prochainement), ne cache pas ici sa « nostalgie ».

« Je me rends compte que j’étais vraiment chanceuse de vivre tout ça », dit-elle en se promenant au pied des glissades, où elle a travaillé quatre étés de temps. « J’ai eu une adolescence douillette, créative, pleine de romance ! J’avais beaucoup d’amis, et il faisait tout le temps beau ! », éclate-t-elle de rire, taches de rousseur à l’appui, partagées, faut-il le signaler, par la jeune Liliane Skelly, qui incarne sa Billie dans le film, avec qui la ressemblance est frappante. « J’avais les meilleurs parents, plein d’amour, et la meilleure job au monde ! » Avis aux jeunes intéressés qui se cherchent un emploi d’été...

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« J’avais la meilleure job au monde ! », dit en riant l’autrice Sarah-Maude Beauchesne.

Certes, tout n’est pas non plus gai dans Cœur de slush. Il y a aussi beaucoup de montagnes russes. Il y a des larmes et des vraies de vraies peines. Mais aussi plein de fous rires. « Oui, j’avais toutes les insécurités du monde, concède l’autrice de 33 ans, mais comme tout le monde. Et dans un contexte sain et joyeux ! »

Joie et vérité

Cette joie, Sarah-Maude Beauchesne a voulu la transposer à l’écran. « Oui, c’est un film joyeux, c’était important pour moi. La joie était très présente à cette époque, tout comme quand j’écrivais, ainsi que sur le plateau ! [...] J’avais envie de faire un film adolescent réaliste, mais aussi plein d’espoir, de couleur et de poésie. [...] Oui, Billie se pose mille questions [...]. C’est une époque ingrate, mais c’est aussi là que tu apprends à t’aimer. »

Et c’est bien dit : parce que oui, il y a de la joie, un décor douillet, mais aussi beaucoup de vérité dans ce récit. Au-delà de l’apparente légèreté, Sarah-Maude Beauchesne a toujours eu ce souci de l’« authenticité ». Un souci qui n’est sans doute pas étranger au succès de son roman, publié chez Hurtubise en 2014 et vendu à pas moins de 30 000 exemplaires (dont une édition de luxe, avec extraits inédits du scénario et photos du tournage du film, est en librairie depuis peu).

« Quand moi, j’étais au début de l’âge adulte, il n’y avait aucune œuvre qui parlait de désir et de sexualité de façon authentique. Soit c’était trash, soit c’était fleur bleue », se souvient-elle. Jamais réaliste, quoi.

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Dans un champ longeant le chemin Saxby, non loin d’où Sarah-Maude Beauchesne a fêté son après-bal

Pourquoi personne ne parle de douleur, de malaise ou de consentement ?

Sarah-Maude Beauchesne, autrice et scénariste

Or elle, elle a osé. Sans filtre. Parce que c’est un fait : Sarah-Maude Beauchesne a été « déçue » de sa fameuse et tant attendue « première fois », et elle s’est posé la question : « Mais pourquoi personne n’en parle comme ça ? [...] Pourquoi personne ne parle de la ligne très floue entre désir et amour ? Moi, on m’a juste dit : mets un condom. Mais on passe à côté de tellement de nuances ! Alors moi, quand j’étais jeune et que j’écrivais, j’ai voulu dire exactement ce que j’ai vécu pour être sûre que ce soit vrai. »

Si le récit (envoyé à l’époque à huit éditeurs avant d’être finalement accepté !) a été adapté aux fins du film, Sarah-Maude Beauchesne s’est tout de même donné comme « mission » de toucher toujours autant les jeunes. Même plus de 10 ans plus tard, signale-t-elle, les thématiques restent exactement les mêmes. En gros : « arrête de t’haïr, l’importance des amis, et le plaisir ». Surtout : l’art fragile d’exister dans le regard de l’autre « quand parfois c’est inconfortable, et parfois c’est grisant ».

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Retour aux sources pour Sarah-Maude Beauchesne, devant sa toute nouvelle maison à Knowlton, laquelle ressemble étrangement à celle du film

Et Sarah-Maude Beauchesne ne s’est pas privé au passage pour insister encore plus lourdement sur certains points, particulièrement importants à ses yeux et dont on parle toujours trop peu : la construction sociale de la virginité, le féminisme et, bien sûr, le consentement. Entre deux, trois gorgées de vous savez quoi.

En salle le 16 juin.